Le rôle de la littérature est de montrer la valeur de la vie, a affirmé Ibrahim Al-Koni.
C’est à la maison historique Beit Al-Séheimi, située rue Al-Moez, dans Le Caire islamique, que la deuxième session du Festival littéraire du Caire a été inaugurée, le 13 février. Ce festival littéraire est organisé par la maison d’édition Sefsafa, en coopération avec le ministère de la Culture et de nombreuses institutions culturelles étrangères. 30 intellectuels, romanciers et poètes de 15 pays différents ont répondu présent. On notait la présence du poète franco-iraqien Jabbar Yassine, du romancier soudano-autrichien Tareq Al-Tayeb, du poète américain Michael March, du poète dominicain Frank Baes, du poète danois Peter Laugesen, du journaliste et écrivain allemand Martin Schäuble, de l’écrivain et éditeur tchèque Martin Vopnka, du romancier turc Sadek Yalszaou Ganler, de l’écrivain grec Christos Papadopoulos, du poète émirati Ali Al-Shaali et de la poétesse syrienne Rasha Omran.
Ces intellectuels, aux côtés de leurs homologues égyptiens Sonallah Ibrahim, Ibrahim Abdel-Méguid, Tareq Imam, Bahaa Jahine, Chérif Al-Chaféi, Hamdi Al-Gazzar, Ahmad Al-Chahawi, Khaled Khamissi et Alaa Khaled, étaient venus partager leurs points de vue sur le thème choisi pour cette édition 2016, à savoir « La Littérature, en tant qu’action de résistance contre la mort, le terrorisme et l’injustice ... est une vie ! ». Les discussions ont eu lieu dans différents lieux et institutions culturels comme l’institut allemand Goethe, l’institut espagnol Cervantes, la faculté des langues de l’Université de Aïn-Chams, la Grande Bibliothèque du Caire et d’autres endroits du centre-ville du Caire. « Le Caire est une grande ville qui mérite un festival littéraire qui se penche sur l’écrivain et pas uniquement sur la critique. Il s’agit pour la maison d’édition Sefsafa de coopérer avec des instances culturelles gouvernementales et étrangères dans l’intérêt de la culture, du lecteur et de la société. Nous choisissons nos invités pour échanger des idées sur des sujets que les instances culturelles officielles ne mettent pas en avant, comme la littérature et la liberté d’expression, à titre d’exemple », explique Mohamad Al-Baali, directeur de Sefsafa, à la presse.
Le pouvoir et le contenu du texte
Dans le cadre du thème choisi cette année par le festival, à savoir « La Littérature est une vie », les invités ont planché sur le rôle de la littérature pour rapprocher, réunir, réduire les distances et créer de nouveaux espaces culturels. Le point d’orgue fut la rencontre avec le romancier et penseur libyen, d’origine touareg, Ibrahim Al-Koni, invité d’honneur du festival. Celui-ci, venu de Suisse spécialement pour l’occasion, n’a pas manqué de rappeler l’importance de la littérature et des messages qu’elle transmet. « Le rôle de la littérature est de montrer la valeur de la vie.
Le contenu de tout ouvrage est beaucoup plus important que l’auteur. Celui-ci meurt en fin de compte, mais les mots restent. La Condition humaine d’André Malraux, inspiré du massacre de Shanghai en 1927, est un texte vivant jusqu’à aujourd’hui. Pour qui sonne le glas d’Hemingway, qui parle de la guerre civile en Espagne dans les années 1930, a toujours une portée forte de nos jours. Idem pour Le Don paisible de Sholokhov, inspiré de la guerre civile russe, a toujours un écho important », explique Al-Koni.
Auteur d’une trentaine de romans, dont plusieurs ont été traduits en français comme Les Mages et Le Saignement de la pierre, Al-Koni a mis en garde contre les deux dangers qui, selon lui, menacent l’écriture romanesque basée sur la liberté. Il a tout d’abord dénoncé la tendance à politiser la littérature. « Ce qui est écrit depuis deux décennies relève plus du compte rendu que du roman. On n’utilise plus le mythe pour redessiner la réalité du monde. Je pense que la raison de cette situation est la tendance à tout politiser. C’est à cause de cette tendance que les tensions et les troubles se multiplient. On doit arrêter de faire des comptes rendus, parce que le rôle de l’écriture romanesque n’est pas d’écrire des comptes rendus », souligne-t-il.
Le second danger, selon lui, est l’idéologie, qui est tout le contraire de la littérature. « La mythologie a donné naissance à la littérature et a contribué à la théologie. L’idéologie, quant à elle, monopolise toutes les idées et les opinions. Elle est contre la liberté et la vérité. Tout ce qu’elle touche se transforme en une tyrannie destructive. Ce qui est contraire à la littérature et à la religion. C’est pourquoi on a vu des ouvrages confisqués, comme on a vu apparaître Daech. Il faut absolument se séparer de l’écriture idéologique », conclut Al-Koni .
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