Bahaa taher est un homme posé et calme, ou du moins c’est ce qu’il laisse voir de son comportement apparent. Et pourtant, cet écrivain qui aime travailler sans fanfares ni grand bruit, bouillonne de ce feu sacré et d’une intensité de sentiments qu’il préserve et qu’on ressent à chaque ligne de son écriture. Il choisit la concision et la discrétion à travers son long parcours d’écrivain. Cet homme modeste ne se laisse pas enivrer par le succès qui l’encercle de toutes parts. Avec la reprise de son roman L’Oasis du coucher, paru en 2008 aux éditions Al-Shorouk, dans une série télévisée qui se prolonge sur les trente jours du Ramadan, on est loin de cette concision qu’il prise tant. Toutefois, ce feuilleton, signé Kamla Abou-Zikri pour la réalisation, et Mariam Naoum pour le scénario, ainsi qu’une équipe de personnes douées et passionnées, est un véritable succès. Un succès qui épouse par l’image, la richesse du livre sorti sous le même nom et qui a obtenu le Prix Booker pour le meilleur roman arabe en 2008.
Il y a quelques années, un autre roman de Bahaa Taher, Tante Safiya et le couvent (1996), avait été repris à la télévision. Le feuilleton s’était alors prolongé en longueur et avait perdu toute l’incandescence d’un roman d’une grande beauté. L’expérience a été un échec. Taher acquiesce sans trop jeter de pierres sur ce feuilleton qui a perdu toute sa verve sacrée. Mais il est satisfait de son dernier feuilleton L’Oasis du coucher. « Je trouve que kamla Abou-Zikri a mené son équipe avec succès et a su trouver l’âme profonde de ce travail », dit-il. D’ailleurs, il a reporté son voyage en Suisse pour des raisons médicales pour voir ce feuilleton au moment de sa diffusion. « J’aime regarder l’oeuvre en même temps que les spectateurs et aux mêmes horaires » déclare-t-il. C’est ainsi qu’il le visionne tous les jours le feuilleton aux mêmes heures, subissant les publicités qui n’en finissent pas, mais savourant un moment qu’il passe de manière virtuelle avec les gens.
Un choix magnifique

« Je trouve que le choix des comédiens est magnifique. J’aime le jeu de tous, de Khaled Al-Nabawi à Menna Chalabi que je trouve charmante », affirme l’écrivain. Il sourit en lançant un clin d’oeil narquois à sa femme, Stefca Anastassova à qui il a dédié ce roman et qui a subi à ses côtés les affres et les souffrances de son « enfantement » qui a duré deux longues années. Pour ce roman, Bahaa Taher a lu tout ce qui concernait de près ou de loin l’Oasis de Siwa et a fait un voyage d’une longue durée sur les lieux. Il a connu les habitants de près et a vécu leur vie. Il n’y a pas de touches touristiques dans ce travail, si ce n’est des touches artistiques que Kamla et son équipe ont su reproduire, comme le remarque Taher. Il a connu de près également des familles irlandaises pour mieux saisir toutes les nuances de la femme du héros principal. D’ailleurs, de manière générale, il trouve que le scénario a su voir en profondeur les personnages qu’il a créés sur le papier « à l’exception de Malika, la jeune femme de Siwa qui perd son mari dans la guerre entre les camps de l’est et de l’ouest et qu’on traite de folle pour son comportement étrange et les statues de glaise qu’elle crée ». « Malika, est décevante dans le feuilleton. C’est un personnage qu’on peut taxer de surnaturel, en quelque sorte et qui a été traité de manière plutôt naturelle. Pour le reste, les comédiens incarnent les personnages en chair et en os du roman ». « J’ai étudié l’histoire », aime-t-il répéter. Car Bahaa Taher est féru d’histoire. Il cherche dans le passé et le présent des moments occultés par l’histoire officielle. Comme pour Orabi et sa révolution avortée et qu’on a taxée de soubresaut après son évincement. Y a-t-il des similitudes qu’il a analysées en visionnaire bien avant la révolution du 25 janvier 2011 ? Bahaa Taher sourit et acquiesce. Il reste préoccupé par tout ce qui touche les Egyptiens, les Arabes et le monde actuel.
Ses héros sont en général des personnages cassés par des choix et des rêves avortés comme Mahmoud Abel-Zaher, le héros de L’Oasis du coucher. « Je pense que la défaite des personnages dans mes romans est celle des intellectuels en général dans nos pays ». D’ailleurs, il a construit son personnage Mahmoud Abdel-Zaher à partir d’une toute petite information historique sur un officier, Mahmoud Azmi, qui a fait exploser le temple de Siwa. « A partir de cette information, j’ai fait mes recherches, mais je n’ai rien trouvé de plus et j’ai alors bâti toute l’histoire autour du personnage et des faits historiques ».
Son envoûtement pour l’histoire lui fait découvrir à travers un passé qui semble révolu l’histoire de son pays. Pour son prochain roman, qu’il voudrait situer à Alexandrie, il veut traiter de 1882 et de l’occupation de l’Egypte par les Anglais. Il sourit en pensant aux moments de passion qui l’attendent.
Toutefois, il semble satisfait du grand enthousiasme soulevé par cette série télévisée reprise à partir de son livre, surtout qu’il attendait depuis 2012, année de la vente des droits, pour voir enfin ce travail accompli. Espérons que ce succès va encourager d’autres producteurs à s’attaquer à ses autres romans si différents de ce qu’on est habitué à voir sur les écrans de télévision .
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