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Quand Louis Awad critiquait les élections …

Lundi, 26 octobre 2015

Grand penseur du siècle dernier, Louis Awad publiait à la veille des élections de 1954 un texte virulent sur l’organisation du système électoral. 61 ans plus tard, ses critiques n’ont pas pris une ride. Nous les republions ici.

Quand Louis Awad critiquait les élections …

A la veille des élections de l’assemblée constitutionnelle du 23 Juillet 1954, Louis Awad remettait en cause le système de l’organisation du système électoral instauré par le comité électoral. Il publie un article virulent dans le quotidien Al-Gomhouriya, qui sera plus tard réédité dans un livre avec d’autres de ses articles sur les situations politiques, intitulé Li Misr wal Horriya (à l’Egypte et à la liberté).

Louis Awad (1915-1990) fut l’un des penseurs égyptiens les plus féconds de la seconde moitié du siècle dernier. Egalement journaliste, linguiste et philosophe, il préférait être désigné par son métier d’origine : « Professeur de littérature anglaise, professeur iconoclaste », ajoutait-il. Avec plus de 50 ouvrages, Awad était connu comme un inspirateur de débats sur l’histoire de l’Egypte, sur son rapport avec le monde arabe et sur la langue arabe elle-même.

Il est connu pour ses tendances socialistes, et fait un séjour, en 1959, dans les prisons nassériennes.

Dans le chapitre dont nous présentons ici deux extraits, il voyait dans le fait de tamponner la main des électeurs par une marque rouge un acte humiliant, qu’il compare aux bagues dont on marque la volaille. « Les électeurs se dirigeront aux urnes pour dire leur mot en ce qui concerne leur royaume bestial, et pour décider de leur sort », écrivait-il. Dans le second extrait, il critique le fait de juger les futurs députés en fonction de leur pouvoir financier. Car à cette époque, un amendement timide a été instauré : les 200 L.E. imposées aux candidats pour se présenter aux élections sont passées à 100 L.E.

Sur l’encre indélébile dont on marque les troupeaux d’électeurs :

« Cela est proposé par le comité de la Constitution, et il ne reste plus que l’approbation du Conseil de la Révolution, du Conseil ministériel ou du Congrès bilatéral. Nous sortirons donc de la race des humains pour entrer au royaume des animaux. Oui, le Dr Ali Maher est un homme intègre qui adore le droit et ne reconnaît que le droit. Puisque l’Etat lui a confié la tâche grave d’organiser les urnes de l’Assemblée constitutionnelle, sa conscience impeccable refuse qu’une seule voix y soit doublée, ou qu’il y ait une seule voix illégale, même si cela exigerait de mettre une empreinte sur tous les citoyens par le fameux tampon rouge, le même que l’Etat utilise pour marquer les moutons et les veaux. S’il n’existait d’autres moyens devant le président Ali Maher pour contrôler les voix des électeurs que cette marque proposée sur leurs mains, pourquoi donc parle-t-on de la souveraineté du peuple et de son habileté à s’autogérer ? Cela ne signifie-t-il pas que les Egyptiens ne sont pas élevés à la race des bêtes ?! Et l’on ne connaît pas dans l’Etat des bêtes des régimes démocrates, ni de la souveraineté populaire, ni des droits des masses. On ne lui reconnaît que des troupeaux qui circulent, satisfaits, derrière la tête du troupeau.

Sur l’argent que le candidat doit posséder pour se présenter :

« Celui qui ne possède pas les 100 L.E. n’a le droit ni de parler du nom du peuple, ni de le représenter à n’importe quel sujet public. Et nous, qui avons étudié l’histoire de la vie constitutionnelle dans les autres pays, nous connaissons que les Anglais et les Français, entre autres, disaient que le fichu qui n’a pas dans de nombreuses livres la poche, n’a pas le droit d’élire celui qui le représente aux élections.

La situation est à son essence question de classes et à son paraître, sujet de répugnance, notamment à cette époque où l’on prétend que les gens sont véritablement égaux dans les devoirs et les droits.

Le législateur dirait : mettez-vous à ma place. Si j’omets les restrictions et les contraintes, j’accepterai donc tout bouffon, tout stupide et tout bon à rien à se présenter aux urnes sans contrôle. Nous répondrons :

oui, vous avez raison. Mais les contraintes que nous aimerons imposer sont de nature autre. Des restrictions qui ne portent atteinte ni à la dignité humaine, ni au concept d’égalité dans les droits et les opportunités, le principe fondamental dans toute Constitution. Nous dirons que le citoyen qui ne trouvera pas 100 autres qui renforcent sa candidature via un document écrit est un citoyen qui n’a pas le droit de parler au nom de quiconque ou de représenter les autres à n’importe quel sujet public. C’est là la véritable assurance que l’Etat doit exiger, afin d’empêcher les stupides ou les frivoles d’épuiser la procédure électorale » .

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