Le conflit éternel prend tout son sens par le biais du mouvement. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Entre faiblesse et puisance, vrai et faux, péché et bienfait, Satan ou Dieu … le choix semble facile, une hypothèse trompeuse. Comme le dit l’auteur italien Ferdinando Galiani : « Tels sont tous les problèmes humains : tout est mêlé de bien ou de mal ».
Une vérité éternelle qui se pare de 1 000 facettes sur la terre. Dans Aacham Ibliss (espoir du diable), le chorégraphe et metteur en scène, Monadel Antar, reprend cette dualité éternelle, puise dans l’actualité et dans les textes littéraires du monde entier, afin de représenter un spectacle riche de danses en duo et de scènes dramatiques aux discours chargés. Le tout baigne dans le chant populaire et la musique soufie.
Antar reflète un souci d’imprégner la danse contemporaine d’un air local et purement égyptien. Le décor et l’éclairage, signés Amr Al-Achraf, s’avèrent assez significatifs. Le décor composé de barreaux, en arrière plan, fait allusion à une prison entourant les danseurs. Derrière ces barreaux, la peinture d’un être humain aux détails estompés. Il se présente plutôt dans un mouvement libérateur, partant dans tous les sens. Quant au jeu de lumière, malgré sa connotation traditionnelle, les couleurs accentuent l’effet du décor, offrant une scénographie réussie.
Dès le départ, le conflit entre le bien et le mal est annoncé à travers une scène dramatique regroupant deux protagonistes : Satan et un homme en quête du droit chemin. Le Diable, manipulateur, se vante de ses forces. Quant à l’homme à la recherche du bien, il évoque ses vices et ses faiblesses pour se repentir. Tel est le récit-cadre écrit par le metteur en scène lui-même. Le dialogue dévoile ouvertement l’idée principale du spectacle.
Les scènes défilent comme des sketchs séparés, évoquant les différents exemples du conflit entre le bien et le mal.
Puisant dans les oeuvres littéraires universelles, Monadel Antar adapte des extraits de Kafka et de Youssef Idriss notamment.
De la nouvelle Description d’un combat de Kafka, Antar tire son héros, le repenti en train de narrer son histoire face à une veuve chagrinée qui se rend régulièrement à l’église. Le récit narratif est appuyé par une excellente danse en duo, celle de la passion.
Le thème de la tentation et du péché est inspiré d’une nouvelle de Youssef Idriss, Ly Ly. Il s’agit du cheikh d’une mosquée qui scrute depuis son minaret la chambre à coucher d’une danseuse séductrice. Sur les planches, Monadel Antar oppose les mouvements de la prière du cheikh (agenouillement, prosternation) à la danse sensuelle de Ly Ly. Les deux sont en conflit. Mais finalement, la femme triomphe et le cheikh tremble de regret.
S’inspirant d’un sujet d’actualité politique, le metteur en scène reprend l’histoire de l’activiste et médecin Mona Mina, secrétaire générale du syndicat des Médecins en Egypte. Cette dernière a démissionné après avoir subi plusieurs frustrations. La chorégraphie résume le conflit d’une femme mûre, seule face aux disciples de Satan. Les mouvements violents se multiplient sur scène. La danseuse, épuisée, reprend mot par mot le discours prononcé en public par l’activiste.
La danse, qui s’effectue sur la chanson de Fayrouz, Ahwak (je t’aime), échappe au thème du conflit entre le bien et le mal. Le duo nous transmet un moment de sérénité, comme pour dire que l’amour est toujours possible.
Antar est cependant tombé dans le piège des longs discours oratoires lancés parfois par le diable ou par l’homme repenti. « J’ai tenu à être parfois trop direct pour être compris par un public large et non pas aux fans de la danse contemporaine », se défend Antar. Vers la fin, on retrouve les deux protagonistes du départ. A nouveau, ils s’affrontent. Et la morale est déjà lancée .
Les 14 et 15 mai, à 20h au théâtre Al-Gomhouriya, rue Gomhouriya, Abdine. Tél. : 23907707
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