"Je suis un artiste, je fais de la pop et l'Eurovision, c'est les Jeux olympiques de la pop", explique-t-il à l'AFP.
En se lançant dans l'aventure, il s'est attiré les foudres de certains qui ont taxé sa candidature de politique et non artistique. Critiques, moqueries et même menaces de mort ont fusé sur les réseaux sociaux, raconte-t-il.
Ceux qui me critiquent "n'ont même pas prêté une oreille à ma chanson, ils m'ont juste vu moi et le fait que je sois Palestinien", se désole le chanteur, fils du fondateur du célèbre groupe palestinien Sabreen.
La guerre meurtrière qui ravage depuis sept mois la bande de Gaza, déclenchée par l'attaque sanglante menée par le Hamas palestinien dans le sud d'Israël le 7 octobre, s'est invitée cette année à l'Eurovision, des manifestants réclamant notamment l'exclusion de la candidate d'Israël, pays qui participe depuis 1973 au concours et l'a remporté quatre fois.
Le chanteur de 31 ans insiste sur le fait qu'il caressait le rêve d'Eurovision "depuis longtemps", avant la guerre. Il a soumis sa chanson au comité islandais en août 2023 "et deux mois plus tard, le 7 octobre arrive, et le monde devient fou", se souvient-il. Pas plus que la candidate israélienne, il n'a pu échapper à la polémique ni s'extraire du contexte.
Bachar Mourad n'a pas remporté les qualifications et ne représentera finalement pas l'Islande au radio-crochet, mais il s'est hissé jusqu'au dernier tour du concours islandais.
Donné favori avec sa chanson "Wild West", il a été battu sur le fil par Hera Björk - qui représentait déjà l'Islande en 2010 - et son titre "Scared of Heights". Mais Hera Björk n'a pas passé les demi-finales de l'Eurovision et l'Islande ne sera pas représentée lors de la finale samedi à Malmö, en Suède.
- Attentes -
Le Palestinien n'a pas la nationalité islandaise, mais le choix de l'Islande n'a pas été aléatoire: il connaît les membres d'Hatari, groupe islandais de techno industrielle qui a participé à l'édition 2019 de l'Eurovision à Tel-Aviv et avait fait parler de lui en brandissant des écharpes aux couleurs de la Palestine.
Par l'intermédiaire de leur batteur et producteur Einar Stefansson, Bachar Mourad a réalisé que pour représenter l'Islande, il n'avait pas besoin d'en être citoyen. Seule contrainte: chanter en islandais lors des demi-finales.
Il a co-écrit un titre avec Einar Stefansson, "Wild West", et, règlement oblige, sa versions en islandais, "Vestrið villt".
À l'instar du "Texas Hold'em" de Beyonce, "Wild West" et l'album qui contient le titre expérimentent la fusion du folk américain, de la country et de la pop.
Bachar Murad admet qu'il espérait aussi que sa candidature mette "en lumière les nombreux obstacles" que les artistes palestiniens doivent surmonter.
"En tant que Palestinien, je n'ai pas le luxe de choisir" d'être politique ou pas dans les chansons, explique-t-il, déplorant que le public ait tendance à voir avant tout son identité palestinienne, ce qui ne subissent pas les artistes d'autres origines.
"J'aimerais pouvoir chanter sur des thèmes plus universels que l'occupation" israélienne des territoires palestiniens, a ajoute-t-il, bien que ce thème soit absent de sa chanson pour l'Eurovision. "Mais c'est la réalité dans laquelle je suis né. Et c'est le filtre par lequel je vois le monde".
Quand il est à Jérusalem, il vit dans le studio de musique de son père à Jérusalem-Est, secteur annexé depuis 1967 par Israël et zone de conflits fonciers entre Palestiniens et Israéliens.
Il dit aussi ressentir le poids des attentes placées en lui par les Palestiniens, mais rappelle ne représenter qu'"une seule expérience palestinienne" parmi tant d'autres.
Un thème abordé dans sa chanson "Antennes", au clip satirique à l'esthétique extravagante. Il y apparaît, chapeau de mariachi et rouge à lèvre sous une épaisse moustache, devant un public de mannequins lui faisant remarquer en arabe qu'il ne s'habille pas selon "les coutumes".
Bachar Mourad se concentre actuellement sur la sortie de son dernier album tout en étant en résidence à Paris. Il s'est aussi produit récemment lors d'un événement londonien, "Palestine Vision", célébrant la culture, l'art et la solidarité palestiniens.
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