Célébrée en grande pompe, la nouvelle coopération culturelle entre l'Egypte et l'Arabie saoudite se met en place.
Début février, la ministre égyptienne de la Culture, Nevine al-Kilani, a rencontré le président de l'Autorité saoudienne du divertissement, Turki Al-Sheikh, pour discuter « des moyens de soutenir la coopération notamment pour le théâtre, le cinéma et la chanson ».
Ils ont associé un troisième acteur : la société de production United media services, qui possède une bonne part des médias et des entreprises de divertissements en Egypte.
Pour la célèbre critique culturelle égyptienne Magda Kheirallah « l'Arabie saoudite veut changer les stéréotypes sur son rapport à l'art », alors que la première séance publique de cinéma a eu lieu en avril 2018 à Ryad après plus de trois décennies d'interdiction au nom d'une lecture ultra rigoriste de l'islam.
Partenariat ou financement ?
Mais, dit-elle, l'échange entre le royaume ultraconservateur riche en pétrodollars et l'Egypte, phare culturel est inégal.
« Il y a une différence entre un partenariat et le financement : dans un partenariat, il y a une production artistique des deux côtés ; là, la partie saoudienne apporte uniquement des fonds (...) alors que nous proposons nos œuvres, nos artistes, nos stars, notre musique », assure-t-elle.
Turki al-Cheikh, lui, a défendu sur les télévisions égyptiennes une « complémentarité » qui bénéficiera à tous.
« L'Egypte regorge de talents et de professionnels et l'Arabie vit une renaissance énorme, donc en se complétant l'une l'autre, elles pourront faire ensemble un grand bond en avant », a-t-il martelé.
Depuis sa création en 2016, l'Autorité saoudienne du divertissement a organisé de nombreux événements culturels ou sportifs en vue d'attirer 30 millions de touristes chaque année d'ici 2030. Très souvent en faisant appel à des artistes, des acteurs, des musiciens et autres chanteurs égyptiens.
En février, la première soirée musicale saoudo-égyptienne avait été organisée à l'Opéra du Caire, avec en tête d'affiche le maestro Omar Khayrat, le « King » Mohamed Mounir ou encore la reine de la pop arabe, Sherine Abdelwahab, la soirée a attiré toutes les célébrités du pays.
Mais pour Hind Salama, responsable de la couverture de l'actualité théâtrale du magazine égyptien Rose al-Youssef, « l'Autorité saoudienne du divertissement était seule aux commandes pour les invitations : elle a choisi uniquement des célébrités et ignoré le public qui devait se contenter d'une retransmission à la télévision ».
Et surtout, ajoute le critique égyptien Mohammed Abdelkhaleq, on a fait fi de la décision du ministère égyptien de la Culture de suspendre toute célébration festive en solidarité avec les Palestiniens bombardés sans répit dans la bande de Gaza par Israël depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre.
« Le Festival de cinéma du Caire, le Festival de la musique arabe, tout a été annulé, alors pourquoi pas ça ? », s'emporte le critique.
L'Arabie saoudite, elle, poursuit son offensive de charme sous l'impulsion du vaste programme de réformes du prince héritier et dirigeant de facto, Mohammed ben Salmane, qui cherche à diversifier l'économie du premier exportateur mondial de pétrole.
L'Autorité du divertissement a déjà donné, fait très rare, la nationalité saoudienne à la star de la comédie populaire égyptienne Mohammed Heneydi, au présentateur de talk-show Amr Adib et à d'autres célébrités.
Turki al-Cheikh a annoncé lancer le fond Big Time pour les films arabes (plus de 80 millions de dollars), mettant en exergue l'importance des financements.
Dans les années 1950, l'Egypte était le troisième producteur mondial de films. Aujourd'hui, elle revendique aujourd’hui les trois quarts de la production cinématographique arabe. Celle-ci a chuté à 21 films en 2022.
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