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Scènes de ménage

May Sélim, Samedi, 25 novembre 2023

La pièce de théâtre Beïd Anak (loin de toi) de Mohamed Abdel-Sattar reprend un thème classique, celui des problèmes conjugaux. Une comédie hilarante, mettant en scène des personnages caricaturaux.

Scènes de ménage
Un couple constamment en désaccord. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

La chanson d’Oum Kalsoum Beïd Anak (loin de toi) résonne à l’entrée de la salle du théâtre Al-Ibdaa. La musique introduit le public à l’histoire d’amour dont il est question dans la pièce du théâtre éponyme. La chanson, qui remonte aux années 1960, évoque les affres de l’amour loin de son compagnon et résume donc l’état du couple jouant sur scène.

Il est presque 2h du matin. La femme en pyjama est en train de sangloter. Son mari veut dormir à tout prix. Les deux protagonistes sont en colère, s’accusant d’être indifférents. La femme se dit frustrée car son mari ne cherche pas à connaître les raisons de sa détresse et le mari veut absolument retrouver le sommeil parce que son travail exige beaucoup de concentration. Au bout des nerfs, la femme demande le divorce et son conjoint accepte.

C’est bien clair. Le conflit à répétition mène au divorce. Puis, après, on peut regretter la séparation et promettre de ne plus jamais recommencer. Le dramaturge et metteur en scène Mohamed Abdel-Sattar a recours à l’humour pour narrer ce genre de péripéties, qui relèvent du déjà-vu. Et il réussit à nous surprendre.

L’oeuvre est une adaptation de la première pièce de théâtre de l’écrivain espagnol Enrique Jardiel Poncela Une nuit du printemps, qui date de 1929. Son point de départ fut une querelle avec sa femme, à travers laquelle il a voulu aborder la mésentente au sein du couple et le manque de communication. Il s’agit d’une pièce en trois actes avec des personnages variés, mais Abdel-Sattar n’en a gardé que trois : la femme, le mari et la servante. Il a choisi également de réduire la pièce à un seul acte, en lui attribuant des accents contemporains.

Belle interprétation


Des personnages caricaturaux, poussés à l’extrême. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Le couple égyptien en question se compose d’une femme au foyer, issue d’une famille aristocratique, et de son mari, ingénieur en génie civil. La femme est plutôt romantique, vivant comme dans un roman ou un conte de fées, avide d’amour et d’attention, alors que l’homme est très pragmatique. Le couple n’arrivant pas à s’entendre, la colère et la jalousie prennent le dessus.

Abdel-Sattar a ajouté des personnages secondaires et des adjuvants caricaturaux, en lien avec le couple. Il est parvenu à travers l’ensemble des relations à présenter une réflexion sur la mésentente. Les comédiens, tous diplômés du studio de l’acteur du centre Al-Ibdaa, fondé par Khaled Galal, ont réussi une interprétation riche et variée, déclenchant les rires du public, sans forcer le jeu.

Les paradoxes des personnages accentuent leur côté caricatural. L’avocat, l’oncle du mari, tâche de réconcilier le couple et sème des jeux de mots hilarants. Lui-même est en perpétuel désaccord avec son épouse. Celle-ci met tout le temps en doute sa capacité à résoudre les problèmes et l’accuse d’infidélité.

Le voisin qui s’introduit dans la chambre à coucher du couple est pris pour un voleur par la femme, pour un notaire par l’oncle, pour un plombier par la servante … Et le comédien habile s’intègre à ces personnages suggérés. Il réussit à changer de peau rapidement et adopte le langage et la gestuelle qu’il faut. A la fin, on découvre qu’il est juste insomniaque et les querelles nocturnes du couple ne l’arrangent pas du tout.

La servante, assez stricte et sévère, traite méchamment le mari et le regarde toujours d’un oeil suspicieux. Elle aussi manque d’amour. Le pilote de l’air, cousin de la femme, en véritable Casanova, tente de profiter de la situation et faire revivre un amour passé.

La chambre à coucher constitue le principal espace scénique. Le décor est simple et classique. La présence du balcon, de la porte de la salle de bains et d’une bibliothèque offre différentes issues et facilite l’apparition de nouveaux personnages. Tout est mis à nu sous les yeux du public.

Les longues discussions et les confidences soulignent tour à tour le manque de communication. Malgré leur amour, on ne parvient pas à s’entendre et chacun sombre dans son monde. Puis, on finit par comprendre sa faute et par essayer de s’ouvrir aux autres, d’être à l’écoute.

Jusqu’au 26 novembre, tous les soirs, à 19h30 (relâche le mercredi) au centre Al-Ibdaa, terrain de l’Opéra, Guézira.

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