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Prix Sawiris: Les jeunes auteurs cassent les tabous

Lamiaa Al-Sadaty, Mardi, 14 janvier 2020

Les prix de la culture, remis par la Fondation Sawiris pour le développement durable, ont été décernés vendredi 10 janvier dans le grand théâtre de l’Opéra du Caire. Entre maturité et audace, la production des jeunes a marqué cette 15e édition.

Prix Sawiris  : Les jeunes auteurs cassent les tabous
La cérémonie de distribution des prix a eu lieu à l'Opéra du Caire, le 10 janvier. (Photo : Mohamad Hassanein)

Vecteur didentité, d’attractivité et de cohésion sociale, la culture est une partie prenante du développement durable. Pour ce, le Prix Sawiris s’inscrit dans la lignée des projets de la fondation portant le même nom. A travers ce concours qui en est à sa 15e édition, le prix de culture cherche à faire rayonner, dans l’espace public, l’engagement culturel. Il vise un double but: honorer des personnes qui se sont distinguées dans le domaine de la littérature et encourager de jeunes talents. « C’est devenu l’un des prix de culture les plus importants en Egypte et au Moyen-Orient. Et ce, puisqu’il cherche à promouvoir l’autonomisation des jeunes », a souligné la comédienne renommée Sawsan Badr. Et d’ajouter : « Je suis fière que certaines oeuvres littéraires primées aient été adaptées au cinéma comme Héliopolis d’Ahmad Abdallah ».

Comme la jeunesse s’avère une priorité pour la Fondation Sawiris, selon Mona Zoulfouqar, le montant des prix décernés aux jeunes pour le meilleur roman et recueil de nouvelles a augmenté pour passer de 80 000 L.E. à 100000 L.E. pour la première place et de 50000 L.E. à 70000 L.E. pour la deuxième place. D’ailleurs, la valeur des prix ne constitue pas la seule différence de cette édition par rapport à celle de l’an dernier. Le nombre de jeunes concurrents l’est aussi : 400 candidats se sont présentés cette année, contre 286 jeunes l’an dernier pour les catégories roman et recueil de nouvelles. Une croissance qui ne passe pas inaperçue et souligne un certain épanouissement de la scène littéraire. De quoi donner de la légitimité à ce prix. « Ce prix est un protecteur de la liberté. Et celle-ci constitue la base de la création », explique Mohamed Aboul-Ghar, membre du conseil du prix.

Cependant, les chiffres seuls ne disent pas tout. Une nouvelle tendance est à souligner dans cette édition. « C’est surtout un langage un peu trop osé qui s’avère être le dénominateur commun de la production littéraire des jeunes dans cette édition », a affirmé Soheir Fahmi, journaliste et membre du jury pour la catégorie jeunes écrivains, et qui y avait pris part, également, il y a deux ans. « La religion est remise en question : un écrivain n’hésite pas à annoncer ouvertement qu’il est athée ». Pour Fahmi, cette audace remarquable des jeunes est aussi liée à un niveau plus avancé sur les plans du style et du contenu. Ahmad Saïd, romancier et écrivain, considère que c’est surtout un cri, un acte de rébellion contre des tabous, comme le sexe et la religion, mais qui n’est pas essentiellement lié à un fond bien travaillé. C’est plutôt une volonté de confirmer son existence. Toutefois, le politique est absent. Fahmi et Saïd approuvent que cette tendance, abordant des sujets tabous, est celle d’une génération « préoccupée et chagrinée ». Qu’en est-il pour les critères de sélection? « La technique et le style sont surtout le fondement principal », explique Ibrahim Abdel-Méguid. « Un grand nombre de jeunes ont prouvé une connaissance profonde de ce qu’est un roman. D’ailleurs, il ne faut pas penser que ceux qui n’ont pas gagné ou n’ont pas été sélectionnés ont un niveau inférieur », affirme-t-il.

L’évaluation des oeuvres s’étend sur quatre mois, de septembre à décembre, après avoir clôturé la période de présentation des candidatures qui a lieu de juillet à août. Six comités de jury sont par la suite chargés d’évaluer, objectivement et de manière discrète, des oeuvres appartenant à cinq branches: texte théâtral, critique littéraire, scénario, roman et recueil de nouvelles. Ces deux derniers englobent deux catégories : grands et jeunes écrivains.

La mise en scène de ce prix de culture trouve son efficacité dans un protocole d’attribution: sous l’égide d’intellectuels de renom désignés comme présidents du jury tels Ibrahim Abdel-Méguid et Nabil Abdel-Fattah, et un artiste éminent, tel le réalisateur Daoud Abdel-Sayed ou le comédien Mahmoud Hémeida, la proclamation publique des résultats et la cérémonie finale de remise du prix, réunissant les membres du jury, des écrivains, des artistes et des professionnels du livre attisent l’enthousiasme des jeunes.

Certes, pour l’auteur lauréat, un prix comme celui de Sawiris le conforte dans l’idée de vouloir être lu et élu. Ainsi, certains jeunes, selon Fahmi, se sont chargés de publier leurs oeuvres par leurs propres moyens, en vue de prendre part à ce concours. Toutefois, le jury ne constitue pas une entité homogène représentative du grand public. Le jeune lauréat considère souvent sa récompense littéraire comme un encouragement à sa carrière, une aide promotionnelle et un tremplin médiatique nécessaires pour mener à bien son projet littéraire. Reste donc encore d’autres retombées à suivre comme d’éventuels contrats d’édition et les chiffres des ventes .

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