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Les anges et les démons de Nathan Doss

Névine Lameï, Lundi, 13 novembre 2017

L'artiste Nathan Doss expose 33 sculptures de bronze à la galerie Zamalek, s’inspirant notamment des mythes de la création, mais aussi de divers éléments du patrimoine égyptien.

Les anges et les démons de Nathan Doss
Des êtres accablés, enchaînés.

« La sculpture est l’expression de deux formes du réel : celui, très concret, de la pierre à l’état brut, et celui de l’univers poétique du sculpteur », déclare Nathan Doss, qui expose actuellement à la galerie Zamalek. Né à Minya, dans le sud de l’Egypte, le sculpteur cumule les références et les mêle à ses origines rurales, marquées par les vergers et le côté champêtre. Tantôt il reproduit dans ses sculptures, toutes en bronze, l’accouplement de deux insectes, afin d’aborder la générosité de la nature. Tantôt le corps d’une vache ou celui d’un chameau, ce dernier étant pour lui le symbole de « la désertification intellectuelle ». Il explique : « Mon chameau prend la forme d’un pégase. C’est une manière d’accentuer l’idée de la désertification intellectuelle, ayant affecté non seulement la culture arabe, mais aussi l’Occident. D’où l’extrémisme et le terrorisme actuels ».

Le souci du détail caractérise l’oeuvre de Doss, qui ajoute parfois des lignes supplémentaires aux corps humains pour leur donner un air accablé. Cela ressort surtout dans ses pièces reprenant le portrait de Jésus après la crucifixion. Les pieds du Christ sont comme arrachés du sol, et ses bras touchent le ciel, allant à la rencontre du divin. Une autre sculpture se veut l’incarnation du bien et du mal. Un ange lutte contre le démon. « Mes sculptures aux divers sujets, alliant réalisme, imagination et émotion, trouvent leurs sources dans la Bible, mais aussi dans la nature, l’actualité sociopolitique et le patrimoine égyptien : pharaonique, gréco-romain, copte, islamique, etc. Je suis influencé par les monuments de Tell Al-Amarna, la capitale d’Akhenaton, jouxtant ma ville natale », précise Doss. Et d’ajouter : « Le bronze me donne beaucoup de liberté. Je suis toujours en quête du néant, du vide qui existe dans la masse sculptée. J’aime travailler mes sculptures dans cette optique ; ce rapport entre la masse et le vide m’inspire des formes riches et abondantes en détail. Si j’ai parfois recours à des formes géométriques, comme le cercle ou le triangle, ce n’est pas pour enfermer mes protagonistes — êtres humains ou animaux —, mais c’est pour les aider à se libérer davantage ».

Les protagonistes de Doss volent, nagent et agissent avec souplesse et énergie. Leurs mouvements sont souvent très harmonieux, allant de pair avec leur entourage. « Chez moi, les muscles ont plutôt une forme aiguë, sans courbes. Et les lignes sont plutôt des supports qui concrétisent le rapport du corps à l’espace ».

Le péché de Prométhée
Dans un coin de la galerie, on est saisi par une figure féminine pharaonique. On est surtout attiré par son côté tendre et son regard lointain. Elle est en position de vol d’oiseau, prête à accourir pour sauver son époux à tout moment. « Née de la côte d’Adam, Eve lui a toujours servi d’aide et de soutien », commente l’artiste. Doss fait souvent référence au récit biblique d’Adam et Eve, chassés du paradis pour avoir goûté au fruit défendu de l’arbre de la connaissance. Il s’inspire aussi du mythe grec de Prométhée, reprenant la même thématique de la création.

« Je joue le rôle d’une caméra qui capte un instant précis, puis j’essaie de tisser toute une intrigue dramatique. Comment sculpter le vent, un rêve, un frisson, cela aiguise mon imagination », conclut Doss.

Jusqu’au 4 décembre, de 10h à 21h (sauf le ven­dredi), à la galerie Zamalek. 10, rue Brésil, Zamalek.

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