L’amour donne des ailes pour se révolter.
Les prénoms de certains personnages laissent parfois prédire leurs actes ou leurs tempéraments. C’est bien le cas de Hedi (incarné par Majd Mastoura), dans le film du Tunisien Mohamed ben Attia, Hedi, un vent de liberté, sorti en France l’an dernier et actuellement projeté au Caire, au cinéma Zawya.
Hedi signifie calme ou sage. En fait, c’est ainsi que sa mère (campée par Sabah Bouzouita) aime bien son fils dont elle contrôle la vie, ne lui laissant que très peu de choix.
Alors que sa mère prépare activement son mariage, le patron de Hedi qui travaille dans le commercial l’envoie à Mahdia, à la recherche de nouveaux clients. Il y rencontre Rim (interprétée par Rym Ben Messaoud), animatrice dans un hôtel local dont la liberté et l’indépendance séduisent. Pour la première fois, le jeune homme, sage et réservé, tente de prendre sa vie en main. L’amour lui fait prendre des décisions contraires à celles de sa mère, s’insurgeant contre son autorité écrasante.
Tout le pays est en pleine mutation, peu après le Printemps arabe. Et le film n’est pas sans miroiter l’état de pas mal de jeunes arabes, ravagés par l’écart entre leurs désirs, leurs espoirs et leurs vies. Ce dont ils rêvent et ce qui est à la portée de leurs mains.
Le réalisateur tunisien Mohamed Ben Attia, primé au F0estival de Berlin.
Le choix de présenter un homme, écrasé par le poids de la famille et de la société, et non pas une femme, est assez significatif, soulignant ainsi que dans la région arabe, tout le monde est victime de la même oppression. Nul n’est épargné, contrairement à ce qu’on a tendance à répéter, en invoquant surtout la condition des femmes.
Le film s’attaque au problème des libertés, au sens large, insistant sur le fait qu’il faut essayer de se libérer intérieurement avant de se soulever contre les conventions et les contraintes sociales. D’où l’intérêt de la fin du film, lorsque Hedi s’insurge contre l’influence de Rim, malgré son amour pour elle. Il remet tout le monde en question, comme il se remet lui-même en question, sans pour autant porter un jugement catégorique sur les personnages.
Le cinéaste n’est pas tombé dans le piège de vouloir juger les personnages, ou les catégoriser en bons et méchants, mais il a essayé de justifier leurs comportements, comme ce fut en expliquant le caractère autoritaire de la mère et du patron de Hedi.
Ce dernier était opprimé à tous les niveaux, chez lui, au travail, comme ailleurs. Plus tard, Rim, la fille rebelle qui l’a séduit, a voulu elle aussi décider à sa place. D’où l’une des scènes de confrontation les plus violentes et les plus sensuelles.
Hedi, un vent de liberté est suffisamment esthétique. Tout est fluide dans le calme. Les personnages, très bien incarnés, sont peu complexes, bien que très profonds. Sans trop de palabres politiques, il parvient à toucher le fond de la crise.
Il part d’un problème personnel pour évoquer un mal sociétal, avec la réalité postrévolutionnaire en arrière-plan. Par exemple, le voyage d’affaires effectué par Hedi afin d’élargir sa clientèle s’insérait dans le cadre des séquelles économiques de la révolution. L’on comprend tout à fait, dans le film, le lien entre le politique et la vie de tous les jours où les crises existentialistes déchirant les uns et les autres.
Le cinéma tunisien a bien réussi à attirer l’attention, notamment par des films comme Corps étrangers de Raja Amari et Hedi, un vent de liberté de Mohamed Ben Attia. Ces deux films ont été acclamés dans plusieurs festivals régionaux et internationaux, suscitant l’admiration des cinéphiles. Ben Attia a décroché le prix du meilleur premier métrage au Festival de Berlin et le comédien Majd Mastoura a remporté le prix de l’interprétation dans le même festival. Et ce, après une absence tunisienne qui a duré 20 ans environ. A ne pas rater, au cinéma Zawya.
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