C’est aux rythmes dansants des percussions africaines qu’a commencé, le 13 mars dernier, la 3e édition du festival international Hakawi, avec comme thème cette année « la rythmique et la musicalité ». Un thème adapté au choix des troupes invitées : Aga Boom des Etats-Unis, Le Sultan Bachus de la France. Outa hamra (tomates rouges), Malameh (traits), Stable Antar (écurie de Antar) et Origami de l’Egypte.
Des familles, riches et pauvres, l’association des enfants de la rue, des handicapés, des élèves d’écoles privées et gouvernementales faisaient la queue, jouant de la musique avec des ustensiles de cuisine de toutes les couleurs, offerts par la direction de Hakawi. L’entrée était gratuite, mais pour réserver sa place, il fallait retirer à l’avance des cartes d’invitation, ou plutôt les télécharger sur Internet.
La troupe américaine Aga Boom a donné le coup d’envoi. Son nom provient d’un jeu de mots d’origine russe « boomaga », signifiant papier, un élément présent tout au long du spectacle donné : une expérience clownesque et mimique hors pair dans un décor attrayant.
Aga Boom c’est une nouvelle forme de divertissement où la comédie brise la barrière de la langue, grâce au génie du gag visuel. Dimitri Bogatirev et son épouse Iryna Ivanytska, des anciens du Cirque du Soleil, utilisent tout un arsenal d’accessoires et d’effets sonores. Ensemble, ils créent des histoires sans paroles basées sur le théâtre de l’absurde.
D’autres moments d’émotions musicales jaillissent : un accordéon et un piano pour Petit Vampire, un spectacle de la troupe nantaise Le Sultan Bachus, qui laisse entendre qu’il est question d’un théâtre effrayant. Car « le comique n’est comique que s’il est un peu effrayant », écrit Ionesco.
Le spectacle a réussi à émouvoir son public jeune grâce à une dramaturgie soutenue par le chant et la musique. « La musique, à elle seule, est capable de communiquer le thème, les idées et les émotions à un public qui ne doit pas forcément comprendre tout », déclare le metteur en scène et comédien Olivier Bonnardot, dont le petit vampire (une marionnette) diffère complètement du vampire à la mode aujourd’hui dans le cinéma.
« A l’opposé d’un vampire enviable, voire cool, mon petit vampire fasciné par la lumière aspire à sortir au jour. Il le fait en dépit des conseils de ses parents qui essayent de l’en dissuader. A tout enfant de poursuivre son rêve, d’interagir avec mon petit vampire, sentir sa souffrance et son désir. La vie est le vainqueur de tous les mensonges qui nous empêchent d’avancer », explique Bonnardot.
En marge du festival, l’artiste allemande Susi Weber invite les enfants de Hakawi à son projet Les Sons du Caire. Elle a tenu un atelier de dessins sur le mur de la galerie du centre Hanaguer, inspiré des sons du Caire, enregistrés durant quatre mois par Weber elle-même.
Tomates et nez rouges
La troupe égyptienne Outa hamra (tomates rouges, référence au nez rouge du clown), présentait sa pièce Transformers (les transformateurs). Outa hamra regroupe des comédiens chevronnés ayant tous une bonne expérience dans le théâtre de rue. Ce sont des anciens membres de la troupe Hala, réputée pour son travail avec les enfants dans les quartiers défavorisés.
Ils ont présenté une parade dans l’espace ouvert du centre Hanaguer : les quatre comédiens-clowns jouaient du tambour et le public les suivait en tapant des mains. Burlesque, le jeu des bouffons n’a cessé d’attirer des commentaires auxquels les comédiens répondaient instantanément et avec humour.
Développant une même musicalité bouffonne, Hakawi n’a pas manqué de présenter le théâtre de la lanterne magique par les membres du centre arabe Origami d’Alexandrie. Leur pièce Nour et le petit oiseau use magnifiquement de lumières phosphorescentes et de l’origami (art japonais de papiers pliés). Tout au long du spectacle, les comédiens ont créé des personnages fictifs avec leurs papiers : ils dansent, chantent et racontent des histoires traitant surtout de liberté d’expression. « Pour voler, il ne faut pas nécessairement avoir des ailes. L’enfant peut voltiger avec son imagination », dit-on dans la pièce.
Vers la fin, le public était convié à entrer en interaction avec les artistes, en se livrant à un jeu d’origami. Un même esprit du partage que l’on a retrouvé avec la troupe Malameh (traits) et sa pièce Maaleb samaka (entourloupe d’un poisson), basée sur l’improvisation
La troupe Stable Antar (écurie de Antar) proposait, elle, des ateliers pour enfants, parlant de harcèlement sexuel, de la corruption ... Soutenue par le British Council, la troupe travaille dans les quartiers démunis du Moqattam comme Manchiyet Nasser. La troupe donne aux enfants la chance de danser, de chanter et de se défouler en toute liberté. « Car le but de Hakawi est de rechercher des troupes professionnelles qui permettent aux enfants de s’exprimer. Les enfants en Egypte manquent de liberté », estime l’attaché de presse de Hakawi, Chérif Bahgat. Ce dernier prépare déjà le programme d’AFCA pour la prochaine édition qui aura pour thème : « L’expression corporelle et la danse ».
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