Al-Zombie wa Al-Khataya Al-Achra.
(Photo: Bassam Al-Zoghby)
14 spectacles égyptiens produits entre 2014 et 2016 représentent l’Egypte au festival. Selon la nouvelle réglementation, l’Egypte doit offrir au public et aux invités 10 spectacles qui résument les différentes tendances de son théâtre contemporain. Mais le comité de sélection a ajouté encore des spectacles vu le nombre restreint des spectacles étrangers. Quelques-uns sont inspirés du patrimoine et offrent en fait une image exotique répondant aux besoins d’un public étranger et occidental. Ce fut le cas d’Al-Insane Al-Tayeb (l’être brave) écrit et monté par Saïd Soliman.
Ya Sem.
(Photo: Bassam Al-Zoghby)
Le metteur en scène nous offre plutôt un spectacle inspiré des rites du patrimoine socio-musical égyptien, comme ceux du zar (danse et musique pour exorciser les démons). Sans aucun dialogue entre les comédiens, celui-ci a recours à des extraits de poèmes soufis d’Al-Roumi, d’Ibn-Arabi, d’Al-Hallaj et de Tagore que la comédienne principale fredonne de temps en temps sur une musique de Hani Abdel-Nasser. On passe des rituels folkloriques aux rites soufis et on finit par faire face à la réalité du quotidien.
Les spectacles de danse qui puisent dans le patrimoine local s’éloignent de cette image exotique et touchent de près aux maux de l’humanité et aux problèmes de la société égyptienne. Dans Ya Sem, chorégraphié par Chérine Hégazi, quatre danseuses portant des costumes de danse orientale rouges font leur apparition sur scène à pas lents. L’une d’elles joue de la tabla. Autour d’elle, les trois autres prennent place et prêtent attention aux coups de la tabla comme si elles écoutaient des histoires d’antan. Les corps des danseuses convulsent à chaque rythme. Elles portent des bracelets de cheville et se lèvent pour s’adonner au mouvement. Pourtant, il ne s’agit pas d’un spectacle de danse orientale. Ya Sem, écrit et monté par la chorégraphe et danseuse Chérine Hégazi, nous fait entendre les cris des corps féminins contre toutes sortes d’agression, de harcèlement et de contraintes. Les danseuses exécutent dans une chorégraphie élaborée des mouvements de refus et de rébellion contre la violence et l’oppression dont souffre la femme dans la société.
Conflit entre le bien et le mal
Dans sa chorégraphie intitulée Acham Ibliss (espoir du diable), Monadel Antar évoque le conflit éternel entre le bien et le mal. Son oeuvre est puisée autant dans l’actualité que dans les grands textes universels. Un spectacle riche de danses en duo et de scènes dramatiques aux discours chargés. Le tout baigne dans le chant populaire et la musique soufie. La danse contemporaine est imprégnée d’un air local purement égyptien. Les scènes défilent comme des sketchs séparés, évoquant différents exemples de conflit entre le bien et le mal.
En parlant d’expérimentation et d’originalité sur le plan visuel, il est indispensable de mentionner les deux productions du théâtre Hanaguer, Al-Zombie wa Al-Khataya Al-Achra et Al-Ramadi. Al-Zombie wa Al-Khataya Al-Achra (le zombie et les dix péchés) est un spectacle monté par Tareq Al-Doweiri. Ce dernier a créé son spectacle en adaptant le roman de Georges Orwell, 1984, celui de Ray Bradbury, Fahrenheit 451, et les poèmes du Libanais Georges Saada. Ceci suite à un long atelier d’écriture avec Nachwa Mohram. Dans un monde artificiel, l’homme perd sa liberté et se transforme en créature anonyme. Al-Doweiri a créé un spectacle riche de connotations. Avec la scénographie de Mohamad Abdou Al-Séoud et l’éclairage d’Abou-Bakr Al-Chérif, un monde « mécanique » plein d’écrans de surveillance est bien là. La chorégraphie d’Ibrahim Abdou accentue l’idée du mouvement machinal.
De nouveau, la metteuse en scène, Abir Ali, nous plonge dans l’univers du roman de Georges Orwell, 1984, adapté par Amal Al-Marghani et interprété par la troupe Al-Messaharati. Le roman culte d’Orwell décrit le monde de Winston Smith, un employé du Parti extérieur dans l’Océania (l’ex-Grande-Bretagne, trente ans après une guerre nucléaire entre l’Est et l’Ouest) où un régime de type totalitaire a été établi. La liberté d’expression n’existe pas. Toutes les pensées sont surveillées, et d’immenses affiches sont placardées dans les rues, indiquant à tous que le « Big Brother vous regarde ». Pourtant, Winston n’est pas convaincu par les principes du parti et rêve d’un changement, d’une révolution. Il croise Julia et tous les deux adhèrent au groupe rebelle de Goldstein dirigé par Obrian. Mais le couple est ensuite arrêté et condamné par le ministère de l’Amour pour crime de réflexion. Sous la torture, les deux perdent leurs convictions et se trahissent l’un l’autre. Le spectacle dénonce l’idée de la surveillance en continu imposée par les régimes totalitaires. Abir Ali a choisi de bien travailler le plan visuel afin de nous transposer dans un univers minutieusement surveillé. Elle a eu recours aux écrans et aux caméras qui dédoublent les scènes sur le vif : les projections vidéo montrent des scènes de guerre, des paysages de la nature, etc. Le tout accentue l’idée d’une vie machinale et stricte .
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