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Une édition très réussie

May Sélim, Lundi, 11 avril 2016

Le Festival de la Bibliothèque d’Alexandrie, tenu du 5 au 10 avril au théâtre contemporain, a réuni 11 spectacles de 8 pays différents.

Une édition très réussie
Molière. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Sur le parvis de la Bibliothèque d’Alexandrie (BA), le paysage est habituel : des piétons, des visiteurs, quelques étrangers traînent aux alentours des cafés de la plaza. Pareil devant les guichets. Rien n’annonce un événement spécial. Un festival de théâtre contemporain se tient-il vraiment dans les locaux de la Bibliotheca ? Une fois parvenu à l’entrée de la petite et la grande salles de théâtre, on finit par découvrir une queue d’attente bien longue. Le public avait déjà les billets à l’avance par souci de ne pas rater un spectacle. Il s’agit pour la plupart de jeunes Alexandrins, des familles entières avec leurs enfants et des hommes de théâtre, des spécialistes qui tiennent à suivre les pièces programmées dans le cadre du festival pendant une semaine (du 5 au 10 avril). Du coup, à plusieurs reprises, les théâtres de la Bibliothèque d’Alexandrie ont vite affiché : salle comble.

11 spectacles ont été présentés, hors compétition, avec des troupes venues de Moldavie, de Pologne, d’Inde, de Suède, de Tunisie, d’Italie, d’Allemagne et d’Egypte, offrant au public une grande variété théâtrale : danse, monodrame, spectacle de marionnettes, théâtre grotesque, etc.

A comparer avec la première édition, plus timide, les organisateurs de cette deuxième édition avançaient d’un pas plus assuré. Le public a témoigné de l’essor du festival. « L’année dernière, 40 troupes se sont présentées au festival et on a dû en sélectionner seulement 10. Cette fois-ci, on a eu plus de 170 troupes, afin de faire notre choix selon des critères, évitant la nudité, les textes trop longs et les formes plutôt classiques. Donc, on a sélectionné 12 spectacles, en tout et pour tout. Mais certaines troupes n’ont pas pu venir pour des raisons politiques. La troupe algérienne s’est excusée peu de temps avant le festival, il en est de même pour la troupe du Cameroun », souligne Hicham Gabr, directeur du Centre des arts de la BA et président du festival. Et d’ajouter : « Le public alexandrin, loin de la capitale, se sent privé de tant d’activités. On essaye alors de lui offrir une variété de styles théâtraux contemporains. Le fait d’avoir un large public nous a encouragés à doubler les jours de représentation à partir de l’édition prochaine. Donc, l’année suivante, le festival va s’étendre sur dix jours ».

Plusieurs spectacles ont gardé leurs langues originales. D’autres ont préféré fournir quelques éléments de traduction, de brefs résumés ou des sous-titrages en anglais, parfois même on a introduit des mots en arabe permettant de comprendre tout le reste. De quoi attirer l’attention des organisateurs du festival, lesquels essayent de surmonter la barrière de la langue aux prochaines éditions.

Pas besoin de parler

Une édition très réussie
La Cantatrice chauve. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Au-delà de cette barrière de la langue, certains spectacles étaient loin de laisser le public indifférent grâce à des techniques de jeu originales et à une scénographie bien élaborée. Parmi ceux-ci : La Cantatrice chauve, donnée par la troupe Eugène Ionesco de Moldavie et présentée en roumain. Les comédiens introduisaient le jeu en arabe, dans une intonation assez comique, pendant quelques minutes. « J’avais peur de ne pas pouvoir toucher le public. La pièce est fondée sur un dialogue absurde entre les personnages. J’ai donc misé sur les techniques empruntées au théâtre grotesque, afin de mieux montrer l’absurdité du quotidien », souligne le metteur en scène Veaceslav Sambrish, très ému par l’accueil du public égyptien. Les comédiens bougeaient ainsi sur scène comme des marionnettes, ils répétaient inlassablement les mouvements et phrases, déclenchant des éclats de rire en salle.

Le spectacle de marionnettes polonais Molière, donné par la troupe Neville Tranter, théâtre d’animation de Poznan, a constitué l’une des plus belles surprises du festival. Evoquant la vie de Molière à ses derniers jours, notamment sa dernière pièce Tartuffe, les marionnettes de grande taille et sans fils sont merveilleusement manipulées par les comédiens sur scène. Les marionnettes représentaient Molière, ses personnages, sa femme et le roi soleil Louis XIV. Quelques scènes ont abordé le rapport entre Molière et le roi, tout en faisant allusion aux régimes politiques actuels. Les costumes et les accessoires utilisés accentuaient l’aspect spectaculaire de la pièce. La relation de Molière aux femmes, ses personnages féminins et les intrigues amoureuses dans ses pièces trouvaient leurs échos sur scène, non sans sarcasme.

La pièce Hither & Thither (ici et là), signée par l’Allemande Julia Maria Koch, a été plus proche des techniques du ballet et de la danse contemporaine. Elle séduit de par une chorégraphie bien élaborée qui analyse la danse classique et qui nous introduit aux mouvements de la danse contemporaine. Ce sont les deux mondes, d’Ici et là.

Juger Shakespeare
Trois autres spectacles égyptiens à succès étaient également au rendez-vous : Helm Al-Bassassine (le rêve des indics), Rouh (esprit) et Gamila. Le festival a profité de l’occasion pour donner au public alexandrin un petit aperçu de ce qui se passe au Caire, en lui sélectionnant trois créations intéressantes. En outre, le spectacle Nessaä Shakespeare (les femmes de Shakespeare) de Mohamad Al-Tayée a mis en scène plusieurs personnages féminins issus des pièces shakespeariennes. Ceux-ci ont décidé de juger leur auteur, de condamner son attitude négative vis-à-vis des femmes. Malgré une belle idée et une scénographie assez riche, cette production subventionnée par la bourse théâtrale de la BA, afin de célébrer 400 ans depuis la mort de Shakespeare, s’est révélée assez monotone. Cela n’empêche que dans l’ensemble, cette deuxième édition du festival a été un succès .

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