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Tout dire à travers le metal

May Sélim, Lundi, 01 février 2016

Nagui Farid et Nathan Doss sont deux anciens habitués du Symposium d'Assouan pour la sculpture. Dans leurs dernières expositions, Mémoires visuelles et Une Introduction à la vacuité, ils passent du granit au métal, pour acquérir une plus grande liberté

Tout dire à travers le métal
Mémoires visuelles.

Qui dit Nagui Farid, dit maître de la sculp­ture en granit. Il joue avec cette pierre noble, y associe le bronze ou d’autres métaux, pour en faire des pièces inimitables. Vice-commissaire du Symposium d’Assouan pen­dant plus de dix ans, il a acquis la réputation d’être un disciple fidèle des Anciens Egyptiens, ses oeuvres abstraites en sont la preuve. Mais sa nouvelle exposition : Mémoires visuelles, actuellement à la galerie Al-Nil, constitue une rupture par rapport à tout ce qui l’a précédée. Farid s’éloigne de la pierre et passe à la sculp­ture en bronze, au nickel chrome et au laiton. Il nous propose aussi des tableaux de deux dimensions sur lesquels sont imprimés des photos et des corps non uniformes.

Farid nous introduit dans son monde de non-dits, dans un univers virtuel qu’il a édifié de mémoire. Il part de sa vie personnelle pour faire un état des lieux plus général et plus universel. « La sculpture en pierre est souvent basée sur le volume, la masse et le rapport à l’espace. Elle exige de la simplification et de la suppression. J’ai découvert que je n’arri­vais pas à exprimer tant de choses à travers la pierre. C’est pourquoi j’ai eu recours aux métaux. Ceux-ci me permettent beaucoup plus d’expérimentation et d’aventures. Pour ce, j’ai créé ma propre fonderie de métaux », explique Nagui Farid.

Ses sculptures de couleurs argentées brillent de mille feux, elles reflètent l’image de la personne qui les regarde et se présentent aussi comme une voix qui nous vient de très loin, chargée de souvenirs personnels. Dans Mémoires visuelles, Farid ajoute un rectangle derrière la tête du portrait, lequel ressemble à un cadre de photo. Et dans Un Son de la mémoire, l’oreille est remplacée par une autre forme rectangulaire. La mémoire impose ses images et quelques petits changements, pour donner une impression précise. Ensuite, Mémoires cherche à refléter la sensualité d’une femme, posant une jambe sur l’autre. Son corps se réduit à une forme concave et ovale, ceci dit, elle se plie sur elle-même et vit dans son propre monde.

D’ailleurs, Farid joue, à plusieurs reprises, dans cette exposition, avec les courbes et les rondeurs du corps. C’est le cas dans ses deux sculptures en bois : Adam et Eve. Et à l’artiste de commenter : « J’ai voulu attribuer de la chaleur humaine, au rapport entre l’homme et la femme. Le bois se prête mieux alors à révé­ler les sentiments ».

Sentiments de cactus
Ensuite, Farid passe à la sculpture d’oeuvres à deux dimensions, en exposant 7 tableaux en métal, avec plein de petits détails. C’est la série Scènes de vie quoti­dienne, réalisée à partir de plexiglas et de nickel chrome, regroupant des portraits abstraits et des détails du visage et du corps. L’artiste y fait allusion à des souvenirs du passé, des gens qu’il a un jour croisés sur son chemin. Dans le tout der­nier tableau de cette série, on retrouve la photo d’une statue d’Apollon, imprimée sur métal et entourée de quelques vers de Salah Jahine. « Dans cette série, j’exprime mes rap­ports avec l’Autre, mes souvenirs et mes photos. Je travaille avec un desi­gner qui m’aide à agen­cer mes idées et à choisir les photos à même d’ex­primer le sens voulu. Puis, j’imprime celles-ci sur des surfaces métal­liques et j’ajoute quelques retouches finales ». L’artiste se plaît ensuite à passer au jeu des reliefs et de la texture, dans Danse dans le noir, évoquant un monde chaotique : des corps déchiquetés, cha­cun mène la danse sépa­rément comme dans la vie.

De nouveau, il recourt aux poèmes de Jahine pour exprimer le désar­roi, dans Cactus, une sculpture en bronze et en nickel, représentant cette plante du désert qui résiste bien à l’ari­dité. Les vers de Jahine répondent à cet esprit : « Un jour, je me suis réveillé avec un senti­ment de confort. Plus de chagrin, je ne suis plus triste comme par enchantement. Je me suis alors posé la question : suis-je mort et simplement devenu plus sage ? ». « Jahine, ainsi que d’autres poètes et philosophes, m’ont beaucoup marqué. Le cactus, accompagné de ces vers, constitue le début de toute une nou­velle série que je compte commencer bientôt », indique le sculpteur qui reviendra bientôt au granit, dans sa prochaine exposition.

*Mémoires visuelles, jusqu’au 20 février, tous les soirs de 10h à 21h (sauf le dimanche), à la gale­rie Al-Nil, 14, rue Al-Montazah, Zamalek. Tél. : 27366204.

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