Le personnage de Zaghloul. Exposition de Mohieddine Al-Labbad.
Organisé par un collectif d’artistes et d’auteurs de la nouvelle génération de la BD égyptienne, en collaboration avec l’Institut français d’Egypte, le Festival Cairo Comix I a regroupé une vingtaine de bédéistes venus du Maroc, d’Algérie, de Syrie, de Jordanie, du Liban, de Libye, de Tunisie et de Palestine.
« La bande dessinée égyptienne a amplement évolué au cours des dernières années. On témoigne de nombreuses nouvelles créations en support papier ou sur Internet, de quoi être vraiment fier », confie le dessinateur français, Golo, l’invité d’honneur de cette première édition.
Trois expositions de BD étaient organisées, sans compter les discussions et séminaires, portant tous sur les perspectives de cet art, ainsi que sur les nombreux problèmes entravant son développement, notamment dans le monde arabe. « Notre festival se voulait une rencontre d’artistes, d’exposants et de créateurs et non pas une simple foire traditionnelle avec des stands de ventes et des gens qui viennent jeter un coup d’oeil sans réagir », souligne l’artiste Magdi Al-Chaféi, l’un des fondateurs du festival. L’intérêt majeur du festival réside dans l’échange entre les artistes pour dresser un état des lieux et élaborer un plan de travail collectif, visant à promouvoir la BD.
Et pour ce faire, il faut surtout dépasser les vieux préjugés, enfermant l’art de la BD dans le monde de la création pour enfants. « En Egypte, comme dans plusieurs pays arabes, la BD a toujours été considérée comme de belles images pour ados qu’on lâche quand on a passé l’âge », reprend le fameux dessinateur égyptien, Fawaz. Il ajoute qu’au cours des vingt dernières années, la BD a réussi à se forger une identité qui lui est propre, en tant que genre autonome aux facettes artistique, sociale et politique.
Sortir du politique
Si la BD a réussi à faire son chemin, pénétrant l’univers des adultes, il reste que peu de livres illustrés s’adressent à un public moins jeune, en dehors des oeuvres politiques.
Mais selon Mohamad, l’un des deux membres du groupe Twins Cartoon avec son frère jumeau Hayssam, « le comics égyptien est aujourd’hui mieux connu partout dans le monde, et surtout en Europe, où de nombreux festivals ont exposé ces deux dernières années des oeuvres d’artistes égyptiens et arabes, traitant de sujets et de thèmes qui ne se limitent plus aux révolutions, événements centraux de ces dernières années ».
Les deux révolutions égyptiennes — celles du 25 janvier 2011 et du 30 juin 2013 — ont permis l’éclosion de plusieurs talents, que se soit dans le domaine du Street Art ou de la BD ou de la caricature. Ils ont rompu avec l’anonymat où ils étaient enfermés depuis longtemps. Cet avis est partagé par le jeune bédéiste Mohamad Chennawi, fondateur et distributeur de la revue Tok Tok et commissaire du Cairo Comix : « Après le 25 janvier, l’art visuel a pris de l’ampleur. Beaucoup de gens ont commencé à regarder les photos et dessins animés postés sur Facebook et Twitter, de quoi nous donner plus d’envergure. Il y a eu un regain d’intérêt chez les jeunes pour tout ce qui est visuel. Et donc, un vrai besoin de nouvelles créations indépendantes ».
S’il est favorisé par le contexte post- révolutionnaire, l’art de la BD commence à sortir des sujets politiques. Plusieurs artistes sont venus à la bande dessinée parce qu’ils avaient des messages à communiquer sur des questions sociales considérées comme des tabous pendant fort longtemps. C’est le cas par exemple du livre de Rania Amin, qui aborde les violences familiales. Celui-ci a pu enfin voir le jour et recevoir des échos bien mérités.
L’intérêt crucial de cette première édition a mis l’accent sur l’existence de voix plurielles, jeunes et enthousiastes, de nombreux talents à suivre de près .
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