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« Chefchaouen » déclinée par six femmes

Houda El-Hassan, Lundi, 01 juin 2015

La troupe de chanteuses Rhoum El Bakkali chante la paix de l’islam, mais se donne aussi pour mission la perpétuation du répertoire de leur ville.

« Chefchaouen » déclinée par six femmes
Des femmes-amies perpétuent la tradition arabo-andalouse

C’est en choeur que les chanteuses de la troupe Rhoum El Bakkali chantent la paix de la religion musulmane, la vie de son messager et la simplicité de ses préceptes. L’ensemble chante également les louanges de sa ville de Chefchaouen (Chaouen pour les intimes), cette ville symbolique du Nord marocain, et sa mémoire qui date de plusieurs siècles. La beauté de ses femmes, la virilité de ses hommes, la pudeur de ses fillettes, le charme de ses maisons bleues, son climat nordique, les infinis cliquetis des appareils photo des touristes, ses robes multicolores, la régularité de ses quatre saisons. Mais aussi son patrimoine culturel, ses fes­tivals, les chants, les youyous et les kefs qui retentissent pendant de longues heures, de jour comme de nuit.

Rhoum El Bakkali, c’est aussi l’histoire de six amies qui ont décidé de s’unir à tout jamais grâce à leur passion : la musique. De fil en aiguille, leur nombre s’est doublé.

Pluridisciplinaires, chacune d’entre elles maîtrise au moins deux instruments à percussion en plus du chant. Des tambours, des derboukas ornent ostensiblement les grandis­simes salles qui les abritent, presque tous les jours. Mais pas seulement. Ces chanteuses vouent un amour inconditionnel aux instruments à cordes de l’acabit du luth et du sintir, cet instrument à trois, voire quatre cordes, originaire des contrées noires du monde arabe, telles que le Soudan du Nord, le Soudan du Sud, ou encore le Tchad.

Il est 20h en cette nuit chaleureuse d’été. Nous sommes à Chefchaouen dans une grande et vaste maison traditionnelle proche du centre-ville. La salle centrale est archicomble. Les sourires se dessinent sur toutes les lèvres. Le public est essentiellement composé de femmes. A dix minutes de la grande fiesta, les voix se mêlent avec les rires, les fous rires, les appels au silence et les youyous. Tout à coup, toutes les voix se dissipent. Place au silence, le vrai, parce que la chan­teuse principale fait sa majestueuse entrée. Sa personnalité est d’autant plus imposante que la troupe porte son nom.

Lorsque le concert commence, rien ni personne ne peut bouger. La maallema (la chanteuse principale de la troupe) pousse un cri de joie ou de peine (étrange similitude avec la musique soul). Ses âylates (femmes en arabe marocain nordique, et chanteuses dans le jargon des troupes féminines de Chefchaouen) répètent en choeur ses intros, couplets et refrains … Les heures passent à la vitesse du son sans que personne s’en aperçoive. A la fin de la séance (jalsa ou hadra dans le jargon), les encouragements fusent de toutes parts.

« Nous sommes inlassables. Chanter fait partie de notre plaisir. Nous sommes à la disposition de notre public. D’ailleurs, il nous arrive de chanter dans plusieurs villes en une seule semaine. Nous nous sommes tout récemment produites à Paris et nous voilà de retour à Chaouen pour d’autres concerts encore », témoigne Rhoum, qui n’arrive plus à compter le nombre de concerts qu’elle a déjà donnés depuis ses débuts sur la scène artistique, il y a plu­sieurs années.

Les gazelles à l’honneur
A en croire les paroles des chansons de ce jauk (troupe dans le jargon musical marocain), le terme « gazelle » revient souvent dans les paroles, mais ne renvoie aux femmes qu’une fois sur deux. Qu’en est-il de sa deuxième signification alors ?

En effet, selon une légende marocaine du Nord (vrai­semblable mais pas confirmée), un jeune homme amazigh (berbère) décida un jour de se marier avec une jeune ... Tangéroise ? Tétouanaise ? Bref, avec une Marocaine nordique. Après avoir arpenté des dizaines de kilomètres, il s’arrêta, soudainement, avant d’atteindre sa destination, et ce, à la vue d’une jeune beauté. Stupéfait, il cria à son compère : « Chef-Chaouen », signifiant (regarde la gazelle) en langue amazighe, et la ville se fit appeler ainsi. Toutefois, quelle que soit la véracité de cette version, la traduction demeure correcte.

Quoi qu’il en soit, le but de la troupe est surtout d’im­mortaliser un patrimoine culturel devenu indissociable du nord du Maroc. « Nous ne cesserons jamais de redoubler nos efforts pour immortaliser notre registre musical qui est le chant arabo-andalous. Il s’agit d’une grande res­ponsabilité », conclut Rhoum .

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