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Fabio Grazi : Le secteur de la santé figure parmi les priorités de notre intervention

Dimanche, 18 novembre 2018

Fabio Grazi, directeur de l’Agence Française de Développement (AFD) au Caire, évoque les activités de l’organisation en Egypte, notamment le projet d’appui à l’amélioration du système de soins de santé primaire.

Le secteur de la santé figure parmi les priorités de notre intervention

Al-Ahram Hebdo : Arrivé à la direction de l’AFD en Egypte le mois dernier, entendez-vous mettre en oeuvre une nouvelle stratégie pour les activités de l’agence dans le pays ?

Fabio Grazi : Le contexte socioéconomique a connu d’importantes évolutions récemment. De nombreux experts s’accordent sur le fait que l’Egypte arrive à une période charnière : le pays a retrouvé une partie de ses fondamentaux financiers et économiques avec le soutien de la communauté internationale et d’importants défis se présentent en matière de développement économique inclusif et durable. L’objectif de l’AFD est d’accompagner le pays dans ce tournant stratégique vers une meilleure croissance. Durabilité et inclusion seront ainsi de grandes lignes rouges du nouveau cadre d’intervention 2019-2023 que l’Agence est en train d’élaborer : l’AFD souhaite être porteuse de réponses et de solutions structurantes vis-à-vis des attentes égyptiennes à court et moyen termes. Sont concernés tant les domaines d’intervention traditionnels de l’AFD en Egypte, tels que les projets d’infrastructures de réseau, entre autres, que les aspects de développement humain et social, parmi lesquels la santé fait partie des priorités.

— La santé est l’un des piliers des activités de l’Agence au Caire. Quel est le plan de l’AFD pour promouvoir le développement de ce secteur vital au niveau du financement et au niveau de l’assistance technique ?

— Le secteur de la santé figure effectivement parmi les priorités de notre intervention. Dans un pays où la population de 100 millions d’habitants croît à plus de 2 % par an, les besoins ne cessent d’augmenter, alors que l’offre existante peine à répondre aux défis du pays. Les maladies transmissibles telles que l’hépatite C, affectant presque 10 % des 15-59 ans, les taux de malnutrition aigüe et chronique et les maladies non transmissibles cardio-vasculaires augmentent fortement. L’effort public dans ce secteur reste comparativement faible par rapport aux autres pays : les dépenses publiques dans ce secteur représentent à peine 1,5 % du PIB en Egypte, alors qu’elles constituent en moyenne plus de 3 % dans les pays de la région. La contribution directe de la population aux frais de santé est encore très élevée en Egypte, puisqu’elle s’élève à plus de 60 %, deux fois plus que la moyenne dans les pays de la région, affectant d’autant plus les populations les plus vulnérables.

Le gouvernement égyptien a lancé une vaste réforme dans le secteur de la santé : une loi sur l’assurance maladie portée conjointement par le ministère de la Santé et de la Population, et le ministère des Finances (Unité de justice économique) a été adoptée fin 2017 — l’Universal Health Insurance (UHI). L’objectif est d’atteindre la couverture universelle en santé à l’horizon 2030, fondée sur un modèle de santé primaire, le Family Health Model, tout en permettant une hausse de la qualité des services associés.

L’AFD accompagne ses partenaires pour renforcer leurs systèmes de santé dans toutes leurs composantes : infrastructures, ressources humaines, équipements, médicaments, gouvernance. Renforcer les systèmes de santé est une priorité du gouvernement français. En tout, plus de 120 projets ont été financés par l’AFD, pour près d’un milliard d’euros : constructions, reconstructions et extensions d’hôpitaux, renforcement des capacités du personnel hospitalier, etc. Les financements de l’AFD bénéficient tant au secteur public que privé. Nous pouvons également agir dès la conception d’un projet, au niveau des études de faisabilité stratégique et/ou technique, et de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. En complément, nous mobilisons de nombreuses expertises publiques et privées pour renforcer les projets et répondre aux demandes des bénéficiaires. Nous nous appuyons sur nos partenaires français, des opérateurs en santé, agences sanitaires, fédérations professionnelles. Ils peuvent intervenir pour des appuis ponctuels ou des programmes de renforcement de capacité et d’amélioration des structures.

— L’AFD a lancé en mars dernier un projet d’appui à l’amélioration du système de soins de santé primaire en Egypte, d’un montant de 31 millions d’euros. Quels sont les détails de ce programme ?

— En octobre 2016, l’AFD a octroyé un financement sur prêt souverain de 30 millions d’euros ainsi qu’un million d’euros de financement en don pour l’amélioration du système de soins de santé primaire en Egypte. Ce projet vise à appuyer la stratégie du gouvernement égyptien pour améliorer la qualité du système de soins de santé primaire, qui constitue le premier niveau de recours des patients. Il est mis en oeuvre dans 5 gouvernorats ciblés dans les régions de la Haute-Egypte et du Canal, par le ministère de la Santé et de la Population et inclut également une composante de sensibilisation, formation et santé communautaire mise en oeuvre par l’UNICEF. Il s’agit du premier projet de l’AFD dans les domaines sociaux en Egypte.

Le projet s’articule sur deux axes. Premièrement, améliorer la qualité des soins dans plus de 700 unités de santé primaire, « Family Health Units », et plusieurs hôpitaux de district, à travers la formation, la fourniture en équipement et leur maintenance et un appui aux systèmes référentiels et d’accréditation. Deuxièmement, encourager la demande auprès des bénéficiaires locaux pour qu’ils recourent aux unités de soins de santé primaire, à travers notamment des actions de promotion de la santé — y compris au niveau communautaire —, l’amélioration de l’efficience du système et des services de référencement, des campagnes pour le changement des comportements et la promotion du droit des patients. Ces activités sont exécutées par l’UNICEF.

— Quels sont les plans de l’Agence concernant les fonds alloués aux secteurs de la santé et de l’éduction?

— Santé et éducation constituent des secteurs prioritaires pour l’AFD à l’avenir. En juin dernier, l’AFD a octroyé un prêt de politique publique au secteur de la protection sociale en Egypte, avec comme objectif d’améliorer l’équité et la soutenabilité financière du système de protection sociale. Ce prêt de 60 millions d’euros, destiné à accompagner la mise en oeuvre de la loi sur l’assurance maladie universelle ratifiée en janvier 2018, est assorti d’une subvention de 3 millions d’euros. Cette loi doit contribuer à transformer le dispositif de santé public égyptien, tant dans son objectif de généralisation de l’assurance maladie, que de remise à plat de ses mécanismes de financement et de sa gouvernance institutionnelle. La mise en oeuvre de cette réforme débutera à Port-Saïd en mai 2019 et sera progressivement étendue sur tout le territoire pour atteindre l’objectif de 92 % de couverture à l’horizon 2032. Le programme d’assistance technique que finance cette subvention permet d’appuyer le ministère de la Santé et de la Population d’une part, et l’Unité de justice économique du ministère des Finances d’autre part. Cette opération en faveur du déploiement de l’assurance santé universelle en Egypte est, par ailleurs, étroitement coordonnée au projet de rénovation des centres de soin de santé primaire financé par l’AFD et qui appuie l’amélioration de la qualité des soins de santé dans trois gouvernorats.

Pour ce qui est de l’éducation, l’AFD finance depuis plusieurs années des programmes d’insertion socioprofessionnelle de jeunes défavorisés par la formation professionnelle. De façon plus récente, nous avons engagé un dialogue avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et nous finançons actuellement la réalisation d’une étude de faisabilité. Cette étude constituera, nous l’espérons, une première étape vers de futurs projets. En parallèle, l’AFD souhaite poursuivre ces discussions stratégiques avec le ministère de l’Education et de la Formation technique, et appuyer ce dernier dans la réforme actuelle du système de l’éducation.

— L’Egypte a promulgué sa loi globale sur l’assurance santé basée sur l’expérience française dans ce domaine. Quelles sont les chances de réussite de sa mise en application dans le cadre des ressources budgétaires restreintes ? Quel est le montant alloué par l’Agence pour faire développer ce secteur en 2018-2019 ?

— Comme mentionné précédemment, l’AFD appuie, grâce à une subvention et un prêt de politique publique, la première phase de mise en oeuvre de l’assurance santé universelle, qui sera déployée à partir de mai 2019 dans le gouvernorat de Port-Saïd. Le programme d’assistance technique, qui est en cours d’élaboration, prévoit ainsi de tirer profit de l’expertise que la France a développée dans ce domaine via notamment la mobilisation d’experts français, la mise à disposition d’outils, de formations ou de bourses d’études. Au terme de cette première phase de déploiement de l’assurance santé, prévue pour durer 2 ans, l’AFD souhaite poursuivre son soutien au gouvernement et s’impliquer lors des phases suivantes de mise en oeuvre.

— A l’heure où l’Egypte entame un programme de réforme de son secteur de santé, comment peut-elle profiter de l’expérience française dans ce domaine ?

— La réforme de l’assurance santé et les programmes d’assistance technique que finance l’AFD permettent de recourir à l’expertise française, qu’elle soit publique ou privée. Le renforcement du système de santé et l’opérationnalisation des systèmes de protection sociale ouvrent, en effet, des opportunités de coopération dans les domaines de la fourniture de soins de santé, de l’assurance, des médicaments ou bien encore des équipements médicaux. La fourniture de solutions numériques peut également permettre d’appuyer la stratégie de digitalisation du système de santé égyptien.

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