Al-Ahram Hebdo : L’ambassade de la France, l’AFD et l’Institut français d’Egypte co-organisent du 22 au 28 novembre un grand événement : la Semaine de la ville durable. D’où vient le choix de ce thème ?
Jérôme Baconin : Mentionnons d’abord un autre co-organisateur, important, Al-Ahram Hebdo, lien dynamique entre l’Egypte et la France, ainsi que la Chambre de commerce française en Egypte, représentant la communauté d’affaires française en Egypte, avec laquelle nous coopérons. Nous avons constaté que le thème de la ville durable intéressait les entreprises françaises présentes en Egypte et que l’Egypte est engagée sur de grands projets d’infrastructures urbaines. La ville durable recouvre de nombreux domaines : l’étude et la planification, la construction, l’efficacité énergétique, la consommation des ressources, la mobilité urbaine et la ville intelligente. Or, vous trouverez en Egypte des entreprises françaises dans chacun de ces secteurs, et toutes ont des solutions pour transformer les villes égyptiennes. Le Club de la ville durable fait la promotion de l’offre française et établit des liens avec les décideurs égyptiens. Cette Semaine de la ville durable est une excellente opportunité pour valoriser les solutions françaises dans ce domaine.
— Quelle est l’importance d’un tel sujet actuellement et pourquoi la France y accorde-t-elle tant d’intérêt ?
— L’Egypte est engagée dans un vaste chantier de construction de villes nouvelles et d’infrastructures de transports durables. Or, le mot « durable » ne doit pas être un simple slogan, mais une réalité, pour laquelle la France et les entreprises françaises ont des solutions. D’où les thèmes de notre Forum économique : les normes environnementales, l’efficacité énergétique et la ville intelligente. Les entreprises françaises et égyptiennes pourront en débattre avec vos décideurs politiques.
— Pouvez-vous nous parler davantage de l’expérience de la France dans ce domaine ?
— Derrière le défi de la ville durable se cache un défi d’avenir : celui du pays et des villes que nous voulons laisser à nos enfants. Plus que de la France, ce sont des entreprises françaises dont je voudrais vous parler. Privilégier la mobilité collective contre la voiture individuelle est un axe majeur de la stratégie française : le plan de mobilité du Grand Paris mobilise pour cela Alstom, Poma, Colas rail, Vinci, Thalès, ETF, EGIS, Systra, Artelia, etc. La voiture électrique est également une alternative. Il existe en matière d’habitat des solutions d’Efficacité Energétique (EE) : matériaux isolants, compteurs intelligents, etc. En Egypte, où les prix de l’énergie vont continuer d’augmenter, une politique EE est impérative et le secteur privé (EDF, Engie, Sagemcom, Saint-Gobain, Lafarge, Vicat-Sinaï Cement ...) essentiel. En matière d’énergies renouvelables, l’Egypte a un objectif et un potentiel ; Engie, EDF, Voltalia, Eren, investissent en Egypte dans le solaire et l’éolien. Un dernier exemple : la ville de Dijon a lancé un vaste programme de ville intelligente. EDF, Schneider Electric, Orange, Thalès ont des solutions pour l’Egypte.
— La France est un partenaire essentiel pour l’Egypte. La visite du président égyptien en France et celle attendue du président français pour l’Egypte marquent une phase importante pour relancer les relations bilatérales. Quelles sont les perspectives de la relation entre les deux pays ?
— Ces visites confirment la qualité et l’intensité des liens qui unissent nos deux pays. Les perspectives pour l’avenir sont prometteuses. Sur le plan économique, cette visite a été marquée par la signature de plusieurs lettres d’intention dans le domaine des transports, avec un projet d’étude pour la ville de Mansoura. L’AFD a signé sa convention de financement pour le tramway d’Alexandrie. Nous pensons, en effet, que si Le Caire est important, les grandes villes de province le sont également. En outre, la SNCF va engager une coopération avec son homologue égyptien, et enfin la RATP Dev s’intéresse au métro du Caire. Il s’agit d’un nouvel élan après plus de 35 ans de coopération dans le transport urbain.
— L’Egypte a traversé une crise économique difficile, mais le gouvernement a entrepris une série de réformes économiques, symbolisées par le flottement de la L.E., la baisse des subventions à l’énergie et l’imposition de la TVA. Comment jugez-vous ces réformes ?
— Il ne m’appartient pas de commenter ces réformes. Mais il est sûr qu’elles peuvent être qualifiées de courageuses. Manifestement, un cap cohérent a été donné à l’Egypte sur le plan économique. Les effets s’en font déjà sentir avec des indicateurs macro-économiques en nette amélioration. Et les marchés ne s’y sont pas trompés, puisque l’Egypte a pu en 2017 effectuer avec succès deux émissions d’Eurobonds. Les récentes prévisions publiées par la Banque mondiale et le FMI confirment cette tendance positive. Ce retour à la confiance, allié aux réformes structurelles engagées, devrait avoir un effet positif pour le retour des investisseurs en Egypte. La récente loi sur les investissements comporte plusieurs dispositions favorables aux investisseurs.
— Quels sont les obstacles auxquels font face les investisseurs français en Egypte ?
— Il faut absolument que cette dynamique réformatrice que l’on voit au sommet de l’Etat se traduise aussi sur le terrain. Aujourd’hui, les entreprises sont encore confrontées à une insécurité juridique, surtout au niveau de l’interprétation des règlements par les exécutants. Les entreprises sont encore trop confrontées aux lourdeurs des douanes, à des décisions parfois difficiles à comprendre, ou rencontrent des retards importants pour des remboursements de taxes et droits à l’export, ou encore attendent des décisions ou autorisations administratives trop longtemps. Cela est parfois décourageant et amène certaines entreprises à s’interroger encore sur l’accueil fait aux investisseurs étrangers au plus bas niveau de l’Etat. Enfin, certains gros investisseurs se plaignent parfois de discrimination de la part des autorités quand elles sont confrontées à un concurrent du secteur public. Sans doute, faut-il encore former les exécutants en matière d’accueil des investisseurs ? Mais je n’ai pas de doute : l’impulsion donnée au plus haut niveau de l’Etat se traduira bientôt positivement sur le terrain.
— Quels sont les secteurs d’investissement auxquels s’intéressent actuellement les entreprises françaises ?
— Les transports : regardez l’intérêt de la SNCF et de la RATP pour l’Egypte ; l’énergie renouvelable : trois investissements ont été signés durant la visite du président Sissi pour des fermes solaires (EDF, Voltalia et Eren) ; les services : Total investit régulièrement dans des stations services. Des entreprises déjà présentes en Egypte continuent de croire en ce pays et d’y accroître leurs investissements : Sanofi, Air Liquide, Danone, L’Oréal, SEB, Atlantic pour ne citer que celles qui m’ont informé de leurs projets.
— Les projets de la nouvelle capitale et de la nouvelle zone du Canal de Suez intéressent-ils les Français ?
— Bien sûr ! Si l’on s’intéresse à la ville durable, on doit s’intéresser à la nouvelle capitale, comme d’ailleurs aux autres projets de villes nouvelles. Quant à la zone économique du Canal de Suez, je voudrais mentionner qu’au cours de la visite en France de Son Excellence le président Sissi, deux projets ont été discutés. D’abord, un petit chantier naval de Bretagne, ECOCEANE, veut engager un partenariat avec le chantier naval du canal à Port-Saïd dans le domaine des bateaux dépollueurs. Et ensuite, une société de recyclage des fuels de navires, ECOSLOPS, étudie un projet. Nous espérons que ces deux projets se concrétiseront.
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