Un jeune homme m’a dit avec colère : comment l’Egypte s’est vue entraînée dans cette vague de tristesse qui s’empare actuellement de la Grande-Bretagne, après le décès de la reine Elizabeth II ? Je comprends que son peuple soit en mélancolie, car Elizabeth II a régné pendant 70 ans et les Anglais sentent qu’ils ont perdu une chose à laquelle ils se sont habitués. Quant à nous, nous avons été colonisés par la Grande- Bretagne pendant 70 ans également. Les troupes anglaises ont sapé la révolution nationaliste de Orabi en 1882. L’Angleterre n’a-t-elle pas décapité les Egyptiens à Dencheway en 1906 et destitué le khédive Abbas Helmi II qui était aimé de son peuple pour le remplacer par le sultan Hussein Kamel en 1914. N’a-t-elle pas envahi par les chars le palais de Abdine en 1942 pour imposer le premier ministre qu’elle préférait. L’Angleterre n’a-t-elle pas refusé le retour du Canal de Suez à l’Egypte pour ensuite déclencher une agression horrible en 1956 ? Comment les gens ont-ils ignoré tout cela ? J’ai répondu : quelle relation entre tous ces faits et la feue reine ? Il m’a dit : je sais très bien qu’elle n’a jamais gouverné, mais il n’en demeure pas moins qu’elle est le plus haut symbole de l’Etat.
« Mais elle a préservé la neutralité de la couronne britannique. Elle rencontrait toutes les semaines le premier ministre pour discuter de questions diverses », ai-je ajouté. Et de poursuivre que la plupart du temps, ces rencontres n’étaient pas publiques, mais leurs détails étaient parfois divulgués. Il était connu qu’elle n’aimait pas l’ancienne première ministre, Margaret Thatcher, et qu’elle était contre l’agression tripartite sur l’Egypte. Bien qu’elle ait estimé énormément le premier ministre qui a présidé le cabinet après son intronisation en 1952, à savoir Winston Churchill, il n’en demeure pas moins qu’elle s’était érigée contre les politiques de son disciple, Anthony Eden. Quant aux agressions commises par son pays lors de l’occupation de l’Egypte, entre autres la promesse de Balfour, les crimes de l’Empire en Palestine, au Soudan et en Iraq, elles ont été toutes commises avant son intronisation en 1952. Elle n’a jamais visité l’Egypte et elle n’a jamais visité Israël non plus. A tel point que certains Israéliens l’ont accusée d’hostilité à leur pays. Pour tout cela, il serait erroné de lui faire assumer les politiques de son pays qui ont précédé son époque, ainsi que celles qui ont prévalu à l’heure de son investiture mais qui lui déplaisaient. Ainsi, l’intérêt apporté à ses funérailles n’était pas motivé par la tristesse, mais par le fait que c’était un événement international de grande envergure qui méritait un suivi.
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