L’influence des Etats-Unis dans le monde arabe est en nette régression et leur politique fait l’objet de critiques par leurs alliés, à commencer par l’Egypte et les monarchies du Golfe. Ces dernières appréhendent, principalement, l’éventualité de la conclusion d’un accord avec l’Iran sur son dossier nucléaire, dont l’une des conséquences serait de laisser les mains libres à Téhéran pour intervenir dans plusieurs zones de conflit dans la péninsule arabique et au Machreq, notamment en Iraq, en Syrie et au Yémen. Les capitales du Golfe craignent les visées hégémoniques de la République islamique et l’extension de son influence régionale, au détriment de troubles et de l’instabilité politique et sécuritaire qui règnent dans plusieurs pays voisins.
En revanche, les Etats-Unis croient qu’un accord sur le nucléaire iranien serait un facteur de stabilité au Moyen-Orient, éliminant ou, à défaut, éloignant le spectre d’une prolifération nucléaire dans la région, sans se soucier de ses répercussions collatérales. Pour eux, l’objectif principal de l’accord en vue, celui d’écarter le risque que l’Iran se dote prochainement de l’arme nucléaire, prime sur ses effets secondaires. Téhéran ne manquerait, probablement pas, de monnayer les concessions qu’elle ferait dans un tel accord par l’obtention de « compensations » régionales, sous forme de reconnaissance américaine et occidentale de ses intérêts dans la région, notamment en Iraq, en Syrie et au Yémen, où elle bénéficie déjà d’une influence importante.
Les Etats-Unis sont également accusés, en Egypte et dans certains pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, de sélectivité dans leur approche à l’égard de la lutte contre le terrorisme dans le monde arabe, dont l’acteur principal aujourd’hui est l’Etat Islamique (EI). Alors que Washington mène depuis quelques mois une coalition internationale pour réduire militairement l’EI en Iraq et en Syrie, elle s’est abstenue de prendre la moindre mesure contre ce groupe terroriste en Libye.
Sans doute, l’EI est autrement dangereux en Iraq et en Syrie, où il a conquis presque le tiers du territoire des deux pays. Mais laisser l’EI proliférer en Libye, sans réagir, risque aussi de mettre la région et la communauté internationale dans une situation autant dangereuse. Les explications à la politique américaine dans le monde arabe se trouvent essentiellement dans la vision du président Barack Obama du rôle extérieur de son pays. Le locataire de la Maison Blanche est arrivé au pouvoir en novembre 2008, en pleine crise financière mondiale, avec l’idée de réduire l’implication militaire américaine à l’étranger. C’est ainsi qu’il a procédé au rapatriement de l’essentiel de ses troupes en Iraq et en Afghanistan. Tout en mettant l’accent sur la relance de l’économie américaine, dont l’une des exigences est de réduire les dépenses extérieures qu’occasionnent des déploiements militaires à l’étranger, Obama a également opéré une réorientation de l’action extérieure américaine davantage vers la région Asie-Pacifique, où la croissance économique est la plus prospère dans le monde, notamment en Chine. Cette nouvelle orientation de la politique étrangère s’est traduite par un net retrait de la présence et de l’influence américaines dans le monde arabe, où Washington réagit aux événements davantage qu’elle ne prenne des initiatives et n’anticipe l’évolution de la situation. Le processus de paix israélo-palestinien offre un exemple clair de ce recul américain. Alors que ce processus demeure dans le discours officiel l’une des priorités de sa politique étrangère, Washington l’a presque abandonné dans le second mandat d’Obama, après s’être heurté, au début de son premier mandat, à l’intransigeance de Tel-Aviv. Cette politique arabe des Etats-Unis, qui s’est caractérisée par le peu d’engagement, les hésitations et la confusion, s’est traduite dans les faits par une passivité, synonyme d’échec, à un moment historique et crucial pour la région. En effet, ce qui a accentué les effets négatifs de cette politique est le fait que le monde arabe fait l’objet depuis 2011 de convulsions et de changements majeurs, toujours à l’oeuvre, après le déclenchement de soulèvements populaires dans plusieurs pays, y compris dans deux centraux, l’Egypte et la Syrie, et dont les retombées seront profondes et durables sur l’ensemble de la région.
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