La crise politique engendrée par le décret présidentiel du 22 novembre continue. Depuis quelques jours, islamistes et libéraux se livrent à un bras de fer par manifestations interposées. Vendredi, les courants laïques et libéraux ont rassemblé place Tahrir plusieurs centaines de milliers de manifestants pour protester contre le décret qui accorde au président Morsi des pouvoirs exorbitants. Les islamistes, eux, répliquaient dès le lendemain devant l’Université du Caire, en réunissant également plusieurs centaines de milliers de personnes. Le décret controversé accorde au président de la République une immunité relative à toutes les décisions présidentielles et les place à l’abri de tout recours judiciaire.
Cette crise politique opposant les islamistes aux libéraux est la plus grave depuis l’élection de Mohamad Morsi à la tête de l’Etat. Elle est le fruit d’un mauvais calcul de la part du président. Excédé par une « résistance » farouche des magistrats (dominés par l’ancien régime) face à sa politique et à celle de la confrérie des Frères musulmans, Morsi a voulu sans doute leur porter « le coup de grâce » en limogeant le procureur général, Abdel-Méguid Mahmoud, et en se prémunissant contre tout recours judiciaire. Le chef de l’Etat est, en effet, engagé depuis son arrivée au pouvoir dans une véritable bataille contre les magistrats qui ont dissous le Parlement, dominé par les islamistes, en juin dernier.
C’est dans ce contexte d’ailleurs que Morsi a tenté, en octobre dernier, de limoger le procureur avant de faire marche arrière. Il avait également essayé de maintenir en fonction le Parlement dissous toujours sans succès. Mais cette fois-ci, Morsi est allé un peu trop loin. Ce décret du 22 novembre aux allures dictatoriales est un cadeau présenté aux libéraux. Ces derniers ont saisi la balle au vol et tentent à présent d’affaiblir le chef de l’Etat et la confrérie des Frères musulmans. Le président Morsi s’est soudainement retrouvé dans une situation délicate, pris entre ceux qui lui demandent de revenir sur son décret et ceux qui lui demandent de ne pas céder. Sans le vouloir, il a donné l’impression d’être davantage le président de la confrérie des Frères musulmans que celui de tous les Egyptiens.
Face à cette situation délicate, il cherche une porte de sortie en multipliant les discours d’apaisement et en accélérant le référendum sur la nouvelle Constitution qui, une fois votée, permettra de se passer du décret controversé. Malgré les tensions, cette crise politique a montré que les Egyptiens n’étaient pas disposés à revenir sur les acquis de leur révolution. La polarisation actuelle sur la scène politique est un apprentissage de la démocratie.
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