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Al-Azhar et l'apostasie

Mardi, 30 décembre 2014

Nombreux sont ceux qui ont été en colère, ou au moins étonnés, de la posi­tion d’Al-Azhar qui a refusé de qualifier Daëch qui égorge des êtres humains au nom de l’islam, d’apostasie. Personnellement, j’ai manifesté ma joie de voir Al-Azhar, sous la houlette du grand savant Ahmad Al-Tayeb, revenir sur la politique d’apostasie qui avait été enracinée par le grand leader des Frères musulmans, Sayed Qotb. Cette politique a été exercée à maintes reprises par Al-Azhar dont la plus éminente victime de notre ère moderne fut le penseur isla­miste, feu Dr Nasr Hamed Abou-Zeid, Dr Farag Fouda et le prix Nobel de littéra­ture, Naguib Mahfouz.

La pensée de Sayed Qotb, appelant à l’apostasie, a été profondément intégrée dans l’idéologie des Frères musulmans dès leurs débuts. Cela a d’ailleurs été indiqué dans le livre de Helmi Al-Namnam dont j’avais parlé dans l'un de mes précédents articles. A travers les Frères, la pensée de l’apostasie a été dif­fusée dans Al-Azhar et c’est là que ses éminents cheikhs ont attaqué le roman du prix Nobel de la paix « Awlad Haretna » (Les fils de la médina), alors que d’autres l’ont qualifié d’apostasie. A l’époque, Al-Azhar a officiellement censuré le roman. Nasr Hamed Abou-Zeid a été également apostasié et des procès ont été intentés contre lui pour le divorcer de son épouse, dans un scandale international qui a porté préjudice à la réputation de l’Egypte et a touché profondément l’image de ses institutions religieuses. Le rapport émis par Al-Azhar autour du roman de Naguib Mahfouz a grièvement porté atteinte au climat de liberté et de progrès en Egypte, qui a été l’un des pre­miers pays à formuler la charte même des droits de l’Homme.

Naguib Mahfouz m’avait raconté que Hassan Sabri Al-Kholy, l’ancien prési­dent du Service des informations et plus tard le représentant du président Gamal Abdel-Nasser, lui avait proposé de ren­contrer dans son bureau les cheikhs indi­gnés d’Al-Azhar, dans une tentative de les réconcilier. Mahfouz a immédiate­ment approuvé, rétorquant qu’il n’y voyait aucun inconvénient parce qu’il ne voulait pas qu’Al-Azhar se soit indigné, et s’est rendu à l’heure déterminée au bureau d’Al-Kholy, mais aucun des cheikhs n’est venu.

Quant au scandale de Nasr Hamed Abou-Zeid, il a continué à faire couler beaucoup d’encre devant le monde entier, jusqu’à ce que l’Université de Leiden aux Pays-Bas propose de l’accueillir, là où il a poursuivi sa carrière d’académicien. Hamed a échappé à la position intransi­geante d’Al-Azhar qui n’a pas beaucoup différé de celle de Daëch et de ses adeptes.

Alors j’affiche ma joie parcequ’Al-Azhar a enfin rejeté la politique de l’apos­tasie. Je serais d’autant plus heureux si la prestigieuse institution d’Al-Azhar déci­dait de rendre estime aux personnes qu’elle a apostasiées au fil des ans. D’ailleurs, ceci nous rappelle la position prise par l’Eglise du XVIe siècle avec le savant Galilée qui a été le premier à jeter les fondements de la physique moderne et à affirmer que la terre était ronde .

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