La scène politique en Egypte est en pleine recomposition, en prévision des législatives attendues fin 2014. Le ciel commence cependant peu à peu à s’éclaircir avec l’apparition progressive de trois coalitions électorales ou forces politiques, en lice pour le prochain scrutin, troisième et dernière étape de la feuille de route annoncée le 3 juillet 2013, à la suite de la destitution du président Mohamad Morsi.
La première de ces forces, qui semblerait devoir dominer la scène, est la coalition électorale du « Wafd égyptien », dominée, comme son nom l’indique, par le parti libéral du Wafd (centre droit), la plus ancienne formation politique égyptienne, dont la création remonte au début du XXe siècle. L’alliance comprend quatre formations libérales de droite: le Parti social-démocrate, la Réforme et le développement, les partis conservateurs et de la Conscience, tous nés après le soulèvement populaire du 25 janvier 2011. Cette alliance devrait être rejointe par celle du « Courant démocratique », comprenant 6 formations libérales, dont 3 de gauche et 3 de droite. Les premières sont l’Alliance populaire socialiste, le parti nassérien Al-Karama, et le Courant populaire. Celles de droite sont Al-Dostour, Al-Adl et L’Egypte Liberté. Cette coalition a décidé de rejoindre celle du Wafd, après le refus du dernier d’intégrer des figures de proue du régime de Moubarak et la fin de non-recevoir opposée par les dirigeants du Wafd à Amr Moussa, ancien ministre des Affaires étrangères de Moubarak, qui tentait de former, sous sa houlette, une large coalition électorale, la Nation égyptienne, de formations séculières, qui feraient face aux forces et candidats islamistes aux prochaines législatives. Les composantes du « Courant démocratique » se veulent avant tout des forces « révolutionnaires » qui représentent les idéaux du 25 janvier, d’où leur refus de toute coopération avec des figures de l’ancien régime.
La deuxième coalition, en compétition avec la première, est le Front égyptien. Sa tentative d’adhésion à celle du Wafd a été rejetée par ce dernier, car elle est majoritairement dominée par des caciques du régime de Moubarak. Elle comprend les formations séculières de droite du Mouvement national, fondé par Ahmad Chafiq, dernier premier ministre de Moubarak et ancien candidat à la présidentielle en 2012, du parti Misr Baladi, présidé par l’ancien ministre de l’Intérieur sous Moubarak, Ahmad Gamaleddine, des partis Le Congrès, fondé par Amr Moussa, Al-Ghad et L’Egypte moderne, mais aussi du parti de gauche, Al-Tagammoe.
La raison d’être des deux précédents blocs séculiers est de faire barrage aux partis et candidats appartenant aux courants de l’islam politique. Ceux-ci forment le 3e bloc politique. Leur principal représentant est le parti salafiste Al-Nour, après l’interdiction et la dissolution du parti des Frères musulmans, Parti Liberté et Justice (PLJ). Entouré de petites formations salafistes, Al-Nour aspire à récupérer une partie de l’électorat du PLJ, partisane d’un rôle plus important de la religion dans la vie politique et publique. Il était arrivé en deuxième position, après le PLJ, aux dernières législatives de fin 2011, avec 25% des sièges. Mais le vent a bien tourné depuis la chute de la confrérie, et Al-Nour devrait subir l’effet de la désaffection populaire vis-à-vis de l’islam politique.
Le parti subit également un isolement politique imposé par les deux principales coalitions séculières. Il se trouve presque seul, si l’on fait abstraction des quelques petits partis salafistes. Il est sur la défensive face aux accusations du camp séculier qui le taxe de parti religieux, violant la Constitution de janvier 2014, qui interdit la formation de partis politiques à base de religion.
Reste à savoir finalement le poids réel de ces différentes coalitions électorales et du parti Al-Nour lors des prochaines législatives, à partir du moment où la nouvelle loi sur l’élection du Parlement, promulguée en juin, fait la part belle aux candidats indépendants auxquels elle accorde 75% des sièges (420), contre 20% seulement (120) aux listes de partis.
Lien court: