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L'Egypte entre espoirs et défis

Dimanche, 08 juin 2014

Le maréchal Al-Sissi est maintenant président de la République d’Egypte. Espérons qu’il réussira dans sa nouvelle mission et espérons aussi que nous ne serons pas obligés de nous opposer à lui. Il faut le mettre en garde contre les dangers qui peuvent provoquer sa chute non désirée. Une chute qui ne réjouira que les ennemis à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Les trois dangers qui menaçaient le président Mohamad Morsi étaient imbriqués, c’est pourquoi que je les ai qualifiés de triade, comme s’ils constituaient les 3 angles intérieurs du triangle. Son appartenance confessionnelle et son alignement aux Frères musulmans devaient inéluctablement provoquer le retranchement, la centralisation et le sentiment de supériorité. Et par conséquent, mépriser les adversaires et les considérer comme des ennemis. La situation est la même pour la triade de dangers menaçant Al-Sissi et qui s’enchevêtrent également.

Le premier danger qu’affrontera le maréchal Abdel-Fattah Al-Sissi en tant que président de la République est sa capacité à réaliser une transformation mentale. C’est-à-dire passer du mode de réflexion militaire qu’il a pratiqué pendant près de 40 ans à la réflexion civile indispensable au processus de gestion politique, dans un pays encore en ébullition. Un pays dont les jeunes sont en colère et désespérés et où les activistes sont insatisfaits pour différentes raisons. Pour certains, les raisons sont logiques et humaines, et pour d’autres, il est question d’intérêts, au sens étroit et médiocre du terme.

La question de la transformation mentale n’est pas facile et ne doit pas être prise à la légère. Al-Sissi est un homme habitué à donner des ordres aux soldats qui, à leur tour, les exécutaient immédiatement. Il y a une certaine logique dans cette question de règles militaires, car les discussions, les dialogues, l’opinion contraire et la diversité humaine sont des questions relatives à la vie civile. Et si elles sont diffusées dans une armée, celle-ci sera immédiatement vaincue.

Beaucoup pensent que ce que nous appelons pouvoir militaire et que nous n’aimons pas est une caractéristique existante à tout président d’extraction militaire. C’est faux. Le pouvoir militaire est avant tout une façon de gérer et de penser. Nous avons vu des présidents au passé militaire mais qui ont géré leur pays avec un mental de civil adéquat à la gestion politique, et d’autres qui ont gouverné leur peuple comme s’ils étaient tous des soldats. Il y a par exemple les califes ottomans qui n’avaient pas de passé militaire, cependant, leur gouvernance politique était très sévère, au point que le calife tuait ses frères mâles dès son premier jour au pouvoir. Egalement, Bachar Al-Assad n’est pas un homme militaire, mais le régime qu’il a hérité de son père est un régime militaire, alors que Sadate était un homme militaire au pouvoir civil.

Ce qui importe n’est donc pas la formation du président, mais plutôt sa façon de penser et sa capacité à développer des mécanismes mentaux, afin de réaliser le passage de la vie militaire à la vie civile.

Le deuxième danger est étroitement lié au premier, si Al-Sissi ne réussit pas à développer sa façon de penser ainsi que son équipe de travail, pour adopter un mode convenable à la vie politique. Dans ce cas, le pays sera militarisé dans tous ses aspects, ce que nombreux n’accepteront pas. Ils s’uniront et constitueront un danger de taille pour le nouveau président.

Après la chute du président Morsi et la mise en détention de ses alliés, j’avais dit que les Frères musulmans ne reviendraient jamais au pouvoir en Egypte. Mais cela ne signifie pas que le phénomène même des Frères musulmans va disparaître à tout jamais, car les grands phénomènes sociaux ne disparaissent pas du jour au lendemain. Il y a encore de petits partisans, il y a des sympathisants aux niveaux humain et moral. Et il y a un soutien extérieur qui persistera même s’il s’affaiblit. Tous ceux-ci vont se grouper à d’autres courants politiques et sociaux refusant le pouvoir du maréchal Al-Sissi pour des raisons différentes, avec par exemple celui des « hommes d’affaires », dont la majorité a exploité les occasions d’enrichissement sous Moubarak.

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Citons également les révoltés, comme si l’état révolutionnaire était réclamé indépendamment et non pour sauver le pays. Parmi ceux-ci il y a des fidèles, des prétentieux, des mercenaires, des chaotiques et des socialistes qui n’ont pas bien lu et qui ne comprennent même pas la philosophie marxiste.

Le troisième danger face au nouveau président est l’état général d’immoralité qui sévit dans la société égyptienne, ou plutôt chez une catégorie d’Egyptiens. Ceux-ci, s’étant assurés qu’il n’existe plus de sanction possible, sont devenus grossiers sous Moubarak et les années qui ont suivi sa chute. Il est vrai que l’Egypte souffre de problèmes économiques, sécuritaires et éducatifs. Mais la question la plus critique est d’avoir affaire à une société qui vit dans un effondrement de valeurs .

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