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Les défis de l’après-Assad

Mercredi, 01 janvier 2025

Le peuple syrien a exprimé une joie débordante après la chute du régime de Bachar Al-Assad, dans toutes les régions de la Syrie, d’As-Suwayda, majoritairement druze, à Alep, Damas, Hama et Homs, à majorité sunnite avec une présence chrétienne notable.

 Le peuple n’a brandi que le drapeau de la révolution syrienne, symbolisant que le pays a entamé le premier pas sur un chemin ardu, parsemé de risques et de défis.

La chute du régime, prévue depuis longtemps, tourne la page de l’un des régimes les plus sanglants et cruels. Cependant, elle ne signifie pas que la Syrie ne sera pas confrontée à de grands défis. Les visions quant à la manière de construire un nouveau régime divergent, notamment en raison de la présence de factions armées, des divisions sociétales et de l’amertume laissée par l’ancien régime en raison de ses crimes.

Certains indices montrent des différences dans la forme et les débuts par rapport à d’autres expériences arabes. Cependant, cela ne signifie pas que les dangers habituels liés au processus de transition sont absents, notamment ceux qui surgissent après la stabilisation du pouvoir, lorsque vient la phase de répartition des postes et des ressources. La facilité avec laquelle le régime est tombé ne signifie pas qu’il sera facile de construire une alternative. En Syrie, le soutien populaire au régime était presque inexistant, contrairement à la Libye et à l’Iraq, où les régimes de Saddam Hussein et de Kadhafi jouissaient d’un soutien populaire limité, mais bien réel. Pour survivre, le régime de Bachar s’était appuyé sur la Russie, l’Iran et le Hezbollah, ainsi que sur des milices iraqiennes, pakistanaises et afghanes, créant une scène sans précédent aux niveaux arabe et international. Cette situation a amené les Syriens à considérer leur pays comme vivant sous occupation étrangère.

Dans le cas syrien, le slogan de « débaassification », qui avait accompagné l’instauration du nouveau régime en Iraq après l’invasion américaine de 2003, est absent. En effet, le parti Baas syrien avait déclaré son soutien à la révolution avant de suspendre ses activités. L’appel au dialogue national, incluant l’ancien ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk Al-Charaa, constitue un indice positif inédit dans les expériences de changement, qu’elles soient pacifiques ou armées, des pays arabes. Dans ces expériences, la débaassification de l’ancien régime figurait parmi les objectifs principaux des forces de changement, souvent au détriment des efforts de construction de l’avenir.

L’administration des opérations militaires des factions de l’opposition en Syrie a annoncé que seuls les officiers responsables de crimes de meurtre et de torture contre le peuple syrien seraient traduits en justice, une démarche nécessaire. Elle a également décidé d’exempter les militaires soumis au service obligatoire et a adopté le terme « restructuration de l’armée » au lieu de « dissolution ». Cette administration a également affirmé que le respect de la liberté individuelle constitue un pilier fondamental pour la construction du nouvel Etat. Elle a notamment insisté sur l’importance de ne pas imposer de tenue vestimentaire aux femmes et de respecter leur liberté personnelle.

On observe un changement positif dans le discours des factions, notamment en comparaison avec l’expérience de Hayat Tahrir Al-Sham dans la gestion d’Idlib. Cependant, une question demeure : les déclarations d’Ahmad Al-Chareh reflètent-elles une véritable volonté de changement, ou reviendra-t-on à d’autres pratiques une fois que les factions auront pris le contrôle total du pouvoir en Syrie ?

Le premier défi réside dans la construction d’un nouveau régime consensuel en présence de factions armées et face aux ambitions israéliennes grandissantes. La reconstruction des institutions de l’Etat passera par la place accordée à ces factions armées. Seront-elles intégrées dans les nouvelles institutions sécuritaires et militaires, comme l’a annoncé l’administration des opérations militaires, qui a nommé le commandant militaire de HTS au poste de ministre de la Défense ? Le deuxième défi concerne les interactions entre l’intérieur et l’extérieur. La construction de la nouvelle Syrie se fera dans un contexte marqué par des ingérences extérieures qui ont influencé les choix de certains Syriens. Sous Bachar, ces ingérences visaient à protéger le régime en faisant appel à la Russie, l’Iran, le Hezbollah et diverses milices étrangères. La nouvelle direction semble s’aligner sur la Turquie. Cela signifie-t-il que la Syrie passera d’une alliance avec l’Iran à une nouvelle dépendance vis-à-vis de la Turquie ? Les défis internes et externes sont nombreux. L’avenir dira si le peuple syrien parviendra à les surmonter pour bâtir un nouveau régime inclusif, capable de garantir souveraineté et stabilité.

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