Après une longue brouille, les deux mouvements palestiniens rivaux du Fatah et du Hamas ont décidé cette semaine de mettre fin à leurs divergences et ont conclu un accord de réconciliation, en vertu duquel un gouvernement de consensus national devrait être formé d’ici cinq semaines. Celui-ci, formé de technocrates, devra prêter serment devant le président Abbas et obtenir la confiance du Conseil Législatif Palestinien (CLP). Sa mission sera de préparer les élections législatives et présidentielle, qui devraient avoir lieu six mois après le vote de confiance au gouvernement par le Parlement.
La brouille entre les deux frères ennemis date de juin 2007 : lorsque le Hamas, qu’une lutte meurtrière opposait au Fatah depuis son accession au gouvernement en mars 2006, prend le contrôle de l’ensemble de la bande de Gaza. Le président Abbas avait alors dénoncé un coup militaire et limogé le gouvernement d’Ismaïl Haniyeh, dominé par les islamistes. En 2011, le Fatah et le Hamas ont conclu un accord de réconciliation mais celui-ci n’a jamais été appliqué. Toutes les tentatives de réconciliation entre les deux mouvements menées depuis 2007 ont échoué. Quelle est donc la portée de ce nouvel accord ? Tant pour le Fatah de Mahmoud Abbas que pour le Hamas, l’accord répond à des objectifs stratégiques. Le Hamas, qui avait choisi de se rallier au camp islamiste dans le sillage du Printemps arabe en soutenant le régime des Frères musulmans en Egypte se retrouve aujourd’hui isolé après la chute des Frères en Egypte. En se positionnant contre le régime de Bachar Al-Assad, le Hamas a perdu en outre un soutien financier vital fourni par l’Iran. Sans le soutien de l’Egypte et celui de la Syrie, le Hamas traverse peut-être la phase la plus difficile de son histoire. La présence du mouvement au sein d’un gouvernement d’union lui permettra d’une part de bénéficier du budget de l’Autorité palestinienne et d’autre part d’atténuer les restrictions imposées sur la bande de Gaza. Le rapprochement avec le Fatah de Mahmoud Abbas est donc un moyen pour le Hamas pour sortir de son isolement et atténuer sa crise financière. De l’autre côté de la barre, Mahmoud Abbas a longuement parié sur la diplomatie américaine et les négociations de paix avec Israël. Mais ces négociations se sont achevées sur un fiasco décrédibilisant le chef de l’Autorité palestinienne. L’accord avec le Hamas profite à Mahmoud Abbas sur la scène intérieure. Il va enfin pouvoir apparaître comme le leader qui a unifié l’ensemble du peuple palestinien. Ce qui n’était plus le cas depuis quelques années. Après le fiasco des négociations de paix, Abbas est à la recherche d’une nouvelle légitimité et cet accord avec le Hamas répond parfaitement à cet objectif. Etant donné que l’objectif de la création d’un Etat palestinien n’a jamais semblé aussi éloigné, la réconciliation palestinienne représente pour Abbas un espoir de succès politique. La majeure partie des Palestiniens souhaitent en effet une réconciliation entre le Fatah et le Hamas bien que n’y croyant pas trop.
Cette réconciliation palestinienne sera rapidement soumise à l’épreuve des faits car Mahmoud Abbas doit faire face à la colère d’Israël et à l’inquiétude des Etats-Unis. Le gouvernement israélien se servira assurément de cet accord pour enterrer définitivement les négociations de paix avec les Palestiniens. « M. Abbas a choisi le Hamas et non la paix, quiconque choisit le Hamas ne veut pas de la paix », a déclaré cette semaine le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu. A titre de représailles, le gouvernement israélien a annulé la séance de discussions qui devait avoir lieu dans la soirée avec les négociateurs palestiniens, et les Etats-Unis ont estimé que cet accord ne peut que « compliquer » leurs efforts de médiation.
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