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Pourquoi Israël interdit l’UNRWA ?

Mercredi, 06 novembre 2024

Alors que le Conseil de sécurité des Nations-Unies a exprimé le 30 octobre sa « grave préoccupation » face à l’adoption par le Parlement israélien d’un projet de loi interdisant l’UNRWA, la principale agence onusienne d’aide aux Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie occupée, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a averti que cette interdiction « serait une catastrophe dans ce qui est déjà un désastre », en allusion à la situation dans la bande de Gaza, dévastée par une féroce offensive militaire israélienne depuis plus d’un an.

La Knesset a voté massivement le 28 octobre pour interdire l’Office de secours et de travaux des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), ce qui pourrait faire s’effondrer tout le fragile réseau d’aide qui a jusqu’à présent réussi à soutenir ce qui reste de la population de Gaza. Avec le Croissant-Rouge palestinien, l’UNRWA gère la quasi-totalité de la distribution de l’aide à Gaza par l’intermédiaire de 11 centres répartis dans l’enclave. Cette agence fournit également des services à 19 camps de réfugiés en Cisjordanie. Sans la présence de l’UNRWA, les agences humanitaires ne seraient pas en mesure de distribuer des vivres et des médicaments essentiels. En effet, il n’existe pas d’alternative au réseau de personnel, au savoir-faire et au commandement de la logistique de l’UNRWA. Tout au long de son mandat, l’agence s’est efforcée de travailler sur le terrain à Gaza pour aider à atténuer les effets d’une offensive militaire israélienne considérée par la Cour internationale de justice dans sa décision de janvier comme un cas potentiel de génocide.

La campagne de longue date d’Israël contre l’UNRWA s’est intensifiée pendant la guerre contre Gaza et comprend une liste d’accusations non prouvées de soutien aux combattants du Hamas. Après l’attaque du 7 octobre 2023, Israël a accusé plusieurs membres du personnel de l’UNRWA d’y être impliqués. L’ONU a enquêté sur les allégations d’Israël et a licencié neuf personnes, mais a déclaré qu’Israël n’avait pas fourni de preuves. Le gouvernement israélien dénonce également depuis longtemps l’enseignement et les manuels de l’agence pour, à son avis, perpétuer des opinions anti-israéliennes. En 2022, un organisme de surveillance israélien a annoncé que le matériel pédagogique de l’UNRWA enseignait aux étudiants qu’Israël tentait d’effacer l’identité palestinienne.

Ce n’est plus un secret pour personne qu’Israël cherche en effet par tous les moyens à gommer les aspirations nationales palestiniennes. Au fond, sa campagne contre l’UNRWA tient à sa volonté de supprimer le droit au retour des réfugiés palestiniens, que l’agence contribue à maintenir vivant. Le sort des réfugiés a toujours été une question centrale dans le conflit du Proche-Orient ; les Palestiniens nourrissant l’espoir de retourner dans leurs foyers en Palestine historique, dont certaines parties se trouvent maintenant en Israël. Celui-ci rejette leur demande et critique la création de l’UNRWA, en 1949, pour avoir perpétué le statut de réfugié hérité par des générations successives, après l’expulsion de quelque 750 000 Palestiniens au moment de la création d’Israël en 1948. Tel-Aviv estime que cela encourage leurs espoirs d’un droit au retour. Une majorité écrasante d’Etats a dénoncé le vote de la Knesset, qui contredit les principes de la Charte des Nations-Unies et viole les obligations d’Israël en vertu du droit international. Pire, il entraînera des conséquences dévastatrices sur une situation humanitaire déjà critique et qui se détériore rapidement, en particulier dans le nord de Gaza, et laissera des Palestiniens affamés sans une bouée de sauvetage. L’UNRWA est le principal canal d’acheminement de l’aide dans la bande de Gaza et l’interdiction de la Knesset rend explicite que le gouvernement israélien empêche la livraison de l’aide, déjà sévèrement limitée.

Même l’allié le plus proche d’Israël, les Etats-Unis, a reconnu la gravité de la situation et s’est clairement opposé à l’adoption par le Parlement israélien du projet de loi, qui prend effet dans 90 jours. Le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, et le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, ont exprimé leur profonde inquiétude au sujet du projet de loi dans une lettre adressée aux responsables israéliens, avertissant que le fait de ne pas autoriser l’acheminement de l’aide à Gaza pourrait entraîner une interruption du soutien militaire américain. La loi américaine exige que les Etats-Unis arrêtent les transferts d’armes vers tout pays qui entrave la livraison de l’aide humanitaire américaine. Cependant, deux agences gouvernementales américaines ont précédemment alerté l’Administration de Joe Biden qu’Israël entravait l’entrée de l’aide dans la bande de Gaza, mais les transferts d’armes américains se sont poursuivis sans relâche.

Face au tollé général, des rapports ont fait état de plans israéliens pour que des entrepreneurs de sécurité privés prennent en charge la distribution de l’aide à Gaza par le biais de « communautés fermées », qui seraient en fait des camps d’internement. Ce serait troublant, car contrairement à l’UNRWA, les entrepreneurs privés ont peu d’expérience dans la fourniture d’aide et ne sont pas attachés aux principes humanitaires de neutralité, d’impartialité ou d’indépendance.

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