Je me demande parfois comment les institutions de l’Etat parviennent à fonctionner dans ce chaos médiatique fou. Certains se demandent même qui gouverne aujourd’hui : les institutions de l’Etat, la rue ou les médias ? Entre le chaos des chaînes satellites, la folie de Facebook, Twitter et Internet et les restes d’influence de la presse écrite, les journées s’écoulent sans aucune avancée pour les Egyptiens. Ils passent toutes leurs soirées cloués dans leur canapé devant les talk-shows, comment même peuvent-ils aller travailler le lendemain ? Entre Twitter et Facebook, la vie de milliers de jeunes s’écoule sans aucune réflexion. Entre une ère contre laquelle le peuple s’est révolté et une confrérie qui a prouvé son échec flagrant, le conflit se déchaîne entre les tentacules du PND et des Frères musulmans. Malheureusement, les médias sont au centre d’un conflit d’intérêt qui ne prend pas en considération la nation dans sa crise, ou le peuple déchiré par les divisions. En regardant les chaînes satellites, nous découvrons qu’elles commettent tous les jours des crimes éthiques, professionnels, voire même nationaux.
Ce sont les médias qui gouvernent aujourd’hui l’Egypte. Bien plus, les institutions de l’Etat se trouvent dans la confusion face à leur puissance. Cette puissance n’émane nullement de leur partialité ou de leur honnêteté, mais du fait qu’ils exercent la brutalité. Entre le terrorisme exercé par les Frères musulmans et le chaos destructeur, les médias effrayent les Egyptiens, les poursuivent nuit et jour tout en étant pleinement conscients qu’ils accomplissent un rôle ne s’accordant pas avec leur message.
Ils ont parfaitement réussi à diviser la rue. Si la confrérie des Frères musulmans a réussi à diviser les Egyptiens entre croyants et non-croyants, les médias, eux, ont réussi à diviser les Egyptiens entre révolutionnaires, tentacules de l’ancien régime et Frères. Les médias avaient apporté un réel soutien aux révolutionnaires pendant la révolution du 25 janvier 2011. Ceux-ci passaient d’une chaîne à l’autre sous des encouragements exceptionnels. Mais les choses n’ont pas duré longtemps. C’est ainsi que durant la révolution du 30 juin 2013, certains ont prétendu que cette révolution était la véritable et que celle de janvier était une simple rébellion qui a préparé la vraie révolution. D’autres sont même allés jusqu’à prétendre qu’il s’agissait d’un complot. C’est ainsi que les médias n’ont pas hésité à encourager les affrontements entre les révolutionnaires, tous des jeunes prometteurs. Au milieu de ces heurts, les tentacules de l’ancien régime sont réapparus à la télé bénéficiant d’un étrange soutien des médias égyptiens parlant du grand complot dirigé lors de la révolution de janvier 2011, présentant des accusations injustes, des enregistrements de conversations privées et de la diffamation sur la vie privée des personnes sans aucune conscience professionnelle ou éthique. Les médias égyptiens ont joué d’innombrables rôles. Ils ont été les défenseurs de l’ancien régime quand il était encore en vie. Ils ont été le soutien des révolutionnaires quand ils ont réussi à renverser ce régime. Ils étaient partisans des Frères musulmans lorsqu’ils étaient au pouvoir. Puis, ils ont soutenu la révolution de juin et se sont dressés contre les révolutionnaires de janvier. Entre tous ces rôles, il y avait des sources de financement dont personne ne sait rien. Le plus étrange est que l’Etat a déclaré à plus d’une reprise qu’il avait des informations certaines sur les sources de financement des médias. Cependant, il n’a pas annoncé d’où les médias tiraient cet énorme soutien.
Par ailleurs, les médias sont à l’origine de ce chaos politique et de ce vide intellectuel dont souffre la pensée égyptienne, alors que la véritable culture a complètement disparu pour céder place à des idées frivoles. Les médias biaisés, qui ne réalisent pas leurs véritables responsabilités, sont essentiellement à l’origine de la superficialité de la pensée égyptienne. Quid des programmes culturels sur les chaînes satellites ? Quid des beaux-arts et des films de l’âge d’or du cinéma égyptien ? Quid des vedettes de la créativité égyptienne dans les lettres : roman, poésie ou théâtre ? Malheureusement, aujourd’hui, la mémoire du cinéma égyptien est devenue la propriété des chaînes satellites arabes, et il n’est plus du droit des chaînes égyptiennes publiques ou privées de diffuser ces films. Priver le citoyen égyptien de son art est un crime contre l’Histoire. Ce qui menace maintenant les médias égyptiens c’est qu’ils sont trop concentrés sur le marécage politique dans lequel se sont noyés les Egyptiens. C’est ainsi que la politique et toutes ses sources de division sont devenues le repas quotidien du citoyen égyptien. On ne peut ignorer le rôle que jouent les médias dans l’ère actuelle. Pourtant, il s’avère indispensable de souligner leurs positivités dans la formation des peuples, pour qu’ils ne deviennent pas outils destructeurs.
L’absence de l’Etat dans les médias égyptiens s’avère être fort dangereux dans la situation que vit aujourd’hui l’Egypte, en ce tournant historique décisif. Il est insensé de laisser les médias faire ce qu’ils veulent alors que nous faisons face à divers complots à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Comment un Etat et un gouvernement responsables peuvent-ils permettre cette ingérence flagrante du capital dans l’effacement de l’identité égyptienne ? La liberté ne signifie nullement que l’Etat se retire ainsi de la scène médiatique. Il ne s’agit pas là d’un appel à la censure ou à l’imposition de la tutelle de l’Etat sur les médias. Il s’agit plutôt d’un appel à la discipline et au respect des intérêts de l’Etat. Il est insensé de laisser les médias égyptiens menacer les composantes de l’identité égyptienne avec toute son histoire culturelle et intellectuelle. Il est insensé que les médias deviennent un outil de superficialité et d’insouciance par des programmes frivoles et dialogues vulgaires. Il est devenu maintenant indispensable que les chaînes satellites égyptiennes conjuguent leurs efforts pour améliorer le niveau culturel du citoyen égyptien. Car la superficialité qui ravage les médias égyptiens déforme profondément la personnalité égyptienne, ce qui s’avère être extrêmement dangereux.
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