Les tirs de roquettes du Hezbollah sont intervenus juste un jour après que son chef, Hassan Nasrallah, a promis d’intensifier les attaques en représailles aux explosions de bipeurs du groupe, piégés par Israël, faisant 37 morts et environ 3 000 blessés les 17 et 18 septembre. Bien que ces appareils de communication aient été utilisés par des membres du Hezbollah, il n’y avait aucune garantie de savoir qui tenait le bipeur au moment où il a explosé. Ainsi, bon nombre des victimes n’étaient pas des combattants du Hezbollah, mais des membres des vastes réseaux civils du groupe au service principalement de la communauté chiite libanaise. Des médecins, des infirmières, des ambulanciers paramédicaux, des travailleurs caritatifs, des enseignants et des administrateurs de bureau travaillent pour des organisations liées au Hezbollah, et un nombre inconnu avaient des bipeurs qui ont été piégés par Israël. Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Turk, a estimé vendredi que l’explosion par Israël d’appareils de communication portables au Liban pourrait constituer un crime de guerre.
L’attaque israélienne contre le réseau de communication du Hezbollah était sans doute un grand coup, qui avait en partie un objectif psychologique. Elle visait à casser le moral des membres du groupe chiite, en démontrant que nulle part n’est sûre pour eux. L’explosion simultanée des pipeurs était destinée à « provoquer la panique, le stress et le choc » au sein du groupe, a déclaré l’ancien chef du service de renseignements israélien (Mossad), Danny Yatom, démontrant la capacité d’Israël à pénétrer même les lignes de communication les plus sécurisées du Hezbollah. Israël voulait également envoyer un message à ce dernier qu’il est déterminé à entreprendre des actes plus agressifs pour permettre le retour chez eux de quelque 60 000 Israéliens, qui ont été déplacés de leurs villages et colonies dans le nord du pays à cause des attaques des tirs de roquettes du Hezbollah depuis le 8 octobre. Le groupe chiite a récemment frappé de plus en plus profondément dans le nord d’Israël, y compris 30 attaques au cours des deux dernières semaines dans des zones qui n’ont pas été évacuées. L’attaque contre les bipeurs visait enfin à exercer une pression sur les dirigeants du Hezbollah pour qu’ils revoient leur stratégie et cessent leurs attaques contre le nord d’Israël, par crainte d’une escalade menant à une guerre totale avec l’Etat hébreu.
Faisant monter la pression sur le Hezbollah, l’armée israélienne a redéployé mercredi sa 98e Division de parachutistes de la bande de Gaza à la frontière avec le Liban. Le chef du commandement du nord, Uri Gordin, avait souligné, le 16 septembre, que ses forces étaient prêtes à établir une zone de sécurité du côté libanais de la frontière. Cette déclaration coïncidait avec celles du premier ministre, Benyamin Netanyahu, du ministre de la Défense, Yoav Gallant, et du chef d’état-major, Herzi Halevi, suggérant qu’une guerre avec le Hezbollah pourrait être « inévitable ».
Le gouvernement israélien était mis sous pression par les responsables et les habitants de la région nord qui se sont montrés de plus en plus pressants sur la nécessité de rentrer chez eux après avoir été évacués. Ils pressaient le gouvernement d’agir contre la menace des roquettes du Hezbollah en provenance du Sud-Liban. Cédant à ces pressions et voulant renforcer le soutien intérieur, Netanyahu a publié le 17 septembre une déclaration indiquant que le cabinet de sécurité avait mis à jour les objectifs de la guerre actuelle pour inclure « le retour en toute sécurité des habitants du nord chez eux ». Les experts militaires israéliens estiment toutefois que malgré les déclarations belliqueuses des responsables, l’armée israélienne, empêtrée dans la guerre à Gaza, n’est pas prête à déclencher une guerre totale contre le Hezbollah sur la frontière nord.
Le contexte plus large des récentes démonstrations de force d’Israël contre le Hezbollah découle de l’échec à vaincre le Hamas après près d’un an d’opérations dans la bande de Gaza. Le premier ministre israélien subissait une montée des critiques, exigeant qu’il accorde la priorité au retour des otages plutôt qu’à la poursuite de l’offensive militaire. Confronté à la fin de sa carrière politique et à un danger juridique — concernant des accusations de corruption — s’il ne parvenait pas à tenir sa promesse de détruire le Hamas, Netanyahu pourrait bien être prêt à risquer un conflit élargi avec le Hezbollah. Mais pourra-t-il par ce moyen gagner son pari de faire rentrer chez eux les habitants et les colons du nord ? La réponse est moins sûre.
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