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Quelle aide chinoise à l’Afrique ?

Mercredi, 11 septembre 2024

Le neuvième Forum de la coopération sino-africaine (FOCAC) s’est achevé le 6 septembre à Pékin sur une promesse du président Xi Jinping d’offrir aux pays africains des financements de 51 milliards de dollars sur trois ans, de réaliser trois fois plus de projets d’infrastructure et de créer au moins 1 million d’emplois.

Ces promesses représentent une augmentation des engagements de Pékin vis-à-vis du continent. Lors du huitième Sommet Chine-Afrique de 2021 à Dakar, au Sénégal, la Chine avait promis 40 milliards de dollars d’investissements. A l’époque, l’économie chinoise était en récession en raison de la pandémie de Covid-19. L’année dernière, la Chine a approuvé des prêts d’une valeur de 4,61 milliards de dollars à l’Afrique, soit la première augmentation annuelle depuis 2016.

L’engagement de la Chine en Afrique, au centre de l’initiative « La Ceinture et la Route », s’est rapidement développé au cours des deux décennies précédant la pandémie de Covid-19. Les entreprises chinoises ont construit des ports, des centrales hydroélectriques et des chemins de fer à travers le continent, financés principalement par des prêts souverains. Les engagements de prêts annuels ont culminé à 28,4 milliards de dollars en 2016. Mais de nombreux projets se sont avérés non rentables, alors que certains gouvernements avaient du mal à rembourser leurs dettes, ce qui a amené la Chine à réduire ses prêts. La pandémie l’a ensuite poussée à se replier sur elle-même, et ses projets de construction d’infrastructures en Afrique ont chuté. Pékin a depuis modifié sa stratégie, poussant le secteur privé chinois à prendre une part plus importante dans les interactions avec l’Afrique, via des participations dans les entreprises et la gestion des infrastructures qu’elles construisent pour les gouvernements.

Le dernier sommet du FOCAC a offert à la Chine une énorme opportunité diplomatique de faire étalage de son influence sur la scène mondiale. 53 pays sur les 54 que compte l’Afrique étaient présents. Seul l’Eswatini était absent, en raison de son maintien des relations diplomatiques avec Taïwan, que la Chine considère comme faisant partie de son territoire. La rencontre s’est tenue dans un contexte géopolitique important pour la Chine qui, dans son ascension vers le statut de superpuissance mondiale, s’oppose de plus en plus à l’influence des Etats-Unis et de l’Europe en Afrique et dans d’autres régions en développement. L’une des preuves est que les 51 milliards de dollars promis par Xi Jinping seront déboursés en yuan, ce qui témoigne d’une volonté apparente de renforcer la position mondiale de la monnaie chinoise et d’affaiblir le dollar américain en tant que monnaie de référence. Ainsi, les relations entre la Chine et l’Afrique sont essentielles aux efforts de Pékin pour étendre son influence dans l’ordre mondial dominé par l’Occident. Bien que les Etats-Unis, le Japon, l’Inde et la Russie organisent également des sommets réguliers pour courtiser les dirigeants de l’Afrique, la Chine est inégalée en tant que partenaire économique du continent. Elle est son premier partenaire commercial. Environ un quart des exportations du continent — principalement des minéraux, des carburants et des métaux — sont destinées à la Chine et environ 16 % des importations proviennent de ce pays. Pékin est également le plus gros créancier du continent. Entre 2006 et 2021, il s’est engagé à y investir 191 milliards de dollars. Dans de nombreux cas, ces investissements prennent la forme de subventions et de crédits pour financer de grands projets d’infrastructures. Environ 155 milliards de dollars de prêts promis jusqu’en 2021 semblent avoir été mis en oeuvre. Il est cependant difficile de brosser un tableau complet en raison d’une certaine opacité concernant le financement chinois.

Pour l’Afrique, le FOCAC est devenu l’événement le plus important de son calendrier de relations internationales. Plus de dirigeants africains assistent aux sommets avec la Chine qu’à l’Assemblée générale de l’ONU. Le forum attire des dirigeants africains plus que tout autre sommet avec un Etat étranger, car il conduit à de grandes promesses qui l’emportent sur tout ce qui peut être promis par d’autres partenaires. Les sommets avec la Chine ont apporté des avantages tangibles aux pays africains. Mais ils représentent principalement une plateforme permettant à la Chine de distribuer de l’aide et des prêts et d’articuler des priorités qui servent ses propres ambitions économiques et géopolitiques. En même temps, la voix de l’Afrique est minime dans l’établissement de l’ordre du jour du FOCAC et de ses priorités, principalement en raison de la multiplicité des Etats africains et de leurs besoins concurrents, ainsi que de la faiblesse de l’Union africaine. Ainsi, l’Afrique s’engage avec Pékin de manière individualisée, alors que la Chine poursuit un ensemble cohérent d’objectifs. Au cours des dix dernières années, la structure du commerce sino-africain n’a pas changé, malgré la promesse de la Chine d’aider l’Afrique à s’industrialiser. Le continent exporte encore largement des matières premières vers la Chine, tandis que celle-ci y vend des produits manufacturés, creusant le déficit commercial de l’Afrique, qui est passé de 46 milliards de dollars en 2022 à 64 milliards en 2023. Pour remédier à cette situation en vue d’un alignement plus étroit de l’aide sur les objectifs de développement du continent, les Etats africains ont besoin de renforcer leur pouvoir de négociation et, pour s’y faire, développer une approche institutionnelle plus coordonnée leur permettant de traiter avec la Chine en tant que bloc.

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