Le discours équilibré de Harris sur la guerre de Gaza représente une tentative de réparer les fissures qui se sont produites en raison du soutien absolu apporté par Biden à Israël au cours des dix derniers mois. Un soutien qui lui a valu une certaine opposition interne, surtout de la part des jeunes et de la gauche du Parti démocrate, ainsi que des minorités arabo-musulmanes et d’un secteur important d’électeurs indépendants. Ceux-ci refusent la politique de Biden, estimant qu’elle donne le feu vert au gouvernement de Netanyahu pour poursuivre son agression contre Gaza qui a fait plus de 40 000 victimes, dont la majorité des femmes et des enfants. Le comportement de Biden a considérablement réduit ses chances de remporter l’élection, en particulier dans les « Swing States », les Etats pivots, comme le Michigan où les voix arabes et musulmanes jouent un rôle décisif.
Partant, Harris a cherché à adopter une politique plus équilibrée à l’égard de la guerre à Gaza. Elle a commencé à critiquer la détérioration de la situation humanitaire à Gaza et le grand nombre de victimes lors de la dernière visite de Netanyahu à Washington, soulignant qu’il est difficile de rester silencieux face à la souffrance des habitants de Gaza, appelant à la nécessité de mettre fin à la guerre. Mais cette position de Harris vise à attirer les voix des opposants à la politique de Biden pour soutenir sa position électorale face à Trump. Cependant, elle ne reflète pas de véritable changement dans la politique de Harris envers Israël et la guerre à Gaza. Le discours de Harris porte uniquement sur le volet humanitaire et la nécessité d’alléger les souffrances des habitants de Gaza. Ils ne se seront pas traduits en politiques décisives sur la nécessité d’arrêter la guerre. Harris ne possède pas de vision claire sur la solution des deux Etats et sur la création d’un Etat palestinien au cas où elle remporterait l’élection. Les pressions qu’elle peut exercer sur le gouvernement de Netanyahu pour mettre fin à la guerre sont limitées. Elle ne peut pas susciter la colère du lobby juif pro-Israël. D’autant plus que toute pression ou critique du gouvernement de Netanyahu sera utilisée par Trump dans l’élection.
Alors qu’il reste peu de temps avant l’élection, Harris essaie de plaire à tout le monde. Mais cette politique peut lui faire tout perdre, surtout avec la contradiction entre les paroles et les actes. D’une part, Harris appelle à l’arrêt de la guerre et à l’allègement des souffrances humaines et, d’autre part, elle continue à soutenir Israël politiquement, militairement et économiquement en tant que vice-président. Partant, ses positions ambigües sur la question de l’arrêt de la guerre contre Gaza peuvent réduire ses chances de remporter les élections.
Quant à Trump, bien qu’il soutienne le plus Israël et Netanyahu, il essaie également d’adopter une position équilibrée pour des considérations électorales. D’une part, il courtise le lobby juif et les pro-Israéliens en affirmant son soutien à Israël et en confirmant que s’il avait été au pouvoir, le déluge d’Al-Aqsa ne se serait jamais produit. D’autre part, il courtise les opposants à la politique de Biden et à la persistance de la guerre, confirmant qu’il oeuvrera à mettre immédiatement fin à la guerre et à instaurer la paix par la force, selon sa vision. Contrairement à la politique vague et contradictoire des démocrates, Trump adopte une politique plus claire et plus décisive envers la guerre à Gaza et il est mieux disposé à faire pression sur Netanyahu pour arrêter la guerre et accepter la paix.
En contrepartie, Netanyahu exploite au maximum la scène électorale américaine et les enchères politiques entre les démocrates et républicains afin d’obtenir les plus grands gains pour lui et pour sa coalition radicale. Et ce, afin de rester au pouvoir le plus longtemps possible et d’obtenir encore plus de soutien politique, militaire et économique américain, que ce soit de l’Administration Biden ou du futur président. Netanyahu est conscient que Biden, au cours de ses derniers mois au pouvoir, est devenu incapable d’exercer une pression réelle sur le gouvernement israélien pour le pousser à entrer dans des négociations et parvenir à un accord pour l’échange des otages, l’arrêt de la guerre ou le désamorçage de l’escalade régionale, afin de ne pas mettre en colère le lobby juif ou réduire les chances de victoire de Harris. Netanyahu soutient également le retour de Trump à la Maison Blanche. Raison pour laquelle il cherche à prolonger la guerre et l’escalade dans la région pour embarrasser Biden et Harris et avorter toute tentative de parvenir à un accord. Il fait tout pour faire échouer les négociations en posant des conditions draconiennes. A chaque fois que s’approche la conclusion d’un accord, comme cela s’est produit après la déclaration tripartite égyptienne, américaine et qatarie, Netanyahu pose de nouvelles conditions ou entame une nouvelle escalade. Puis, il prétend que la résistance palestinienne est responsable de l’échec de l’accord. Mais en fait, Netanyahu est le premier responsable de cet échec. En plus, l’ambiguïté de la position américaine actuelle encourage le gouvernement de Netanyahu à poursuivre son escalade et à adopter la politique de la corde raide, dont tout le monde paiera le prix.
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