Il semble que le destin pousse le maréchal Abdel-Fattah Al-Sissi vers le siège de la présidence égyptienne. Pour être sincère, il faut dire que cet homme est à plaindre avec la responsabilité de la phase actuelle caractérisée par le chaos et la confusion, et qui repose sur lui. La réalité est que le pouvoir en Egypte n’est plus un butin, mais plutôt une lourde charge.
De nombreux indices laissent à penser que le maréchal Sissi se placera sur le devant de la scène en raison de l’insistance populaire et l’incontournable nécessité. Sissi a réussi en très peu de temps à gagner la confiance et le soutien de la rue égyptienne parce qu’il a décidé de réagir face à une expérience infructueuse d’un pouvoir qui a failli mener à l’effondrement des institutions de l’Etat. Il s’est donc engagé dans un dur combat pour sauver le pays.
Au début, pour prouver ses bonnes intentions, il a invité les forces politiques en litige à un déjeuner, dans une tentative d’aboutir à un accord ou à une réconciliation. Mais une heure avant le déjeuner, un ordre présidentiel a été donné annulant l’initiative bien que les forces politiques l’aient accueillie favorablement. Pour Sissi c’était un très mauvais indice prouvant que l’Egypte était sur le point de vivre une catastrophe, peut-être une guerre civile à cause de l’échec des Frères musulmans dans la gestion du pays, dans un contexte d’absence de dialogue, d’isolement de toutes les forces politiques, d’émergence de courants fanatiques et de tentatives de terroriser le peuple.
Il a alors pris la décision de demander au peuple de le mandater pour intervenir et faire face à la crise. Et les Egyptiens ont favorablement accueilli l’appel : ils ont manifesté par millions le 30 juin. Viennent ensuite la déclaration constitutionnelle, la nomination du conseiller Adly Mansour comme président intérimaire et la formation d’un gouvernement civil, puis la formation du comité des 10 et du comité des 50 chargé de rédiger la Constitution. Enfin il y a eu le référendum sur la Constitution.
Toutes ces étapes prouvent que nous avons affaire à un homme animé par un patriotisme sincère et qui a franchi d’importantes étapes malgré les nombreux défis, alors que les partisans des Frères musulmans répandaient la violence dans les rues. Il y a eu de même des affrontements acharnés avec des pays étrangers qui insistent sur le fait que l’Egypte reste prisonnière des contraintes imposées par une époque révolue, ou des engagements secrets que les Frères musulmans ont pris envers certaines instances internationales.
Je plains le maréchal Sissi. Les défis qu’il doit affronter sont nombreux. Il doit s’engager dans un combat avec les hommes du régime de Moubarak qui, malgré l’esprit de coopération apparent, portent de vieux vices. Ils sont avides de pouvoir et leurs intérêts ne sont pas en accord avec les intérêts du peuple, alors que, lorsqu’ils étaient au pouvoir, il n’y avait pas de justice dans la distribution des richesses du pays. Ces assoiffés de pouvoir seront donc un facteur destructif s’ils insistent sur le fait d’usurper les ressources du pays.
Sissi doit faire face aux problèmes des plus pauvres qui forment en fait la plus grande masse. Ils souffrent de diverses maladies et du chômage. Les millions de citoyens qui sont descendus dans les rues le 30 juin dernier, puis qui ont participé au référendum sur la Constitution et qui ont fêté la révolution du 25 janvier 2011, n’ont pas manifesté pour des raisons politiques : ils cherchaient plutôt la sécurité, la stabilité, une vie et un travail décent, un logement, de la nourriture. Les pauvres d’Egypte ont beaucoup patienté ces 30 dernières années et ont supporté des conditions de vie difficiles ces 3 dernières années entre un régime despote et une révolution qui ne réalise pas ses objectifs.
Le combat du maréchal Sissi est aussi régional. En effet, le fait que l’Egypte retrouve sa position et son rôle au niveau régional menace d’autres pays proches ou lointains qui cherchent à ce que l’Egypte reste confinée dans sa crise. Mais de grands projets peuvent être réalisés pour aider l’Egypte à sortir de sa crise et gagner en indépendance. Nous avons le projet de la région du Canal de Suez, le développement du Sinaï, l’exploitation des côtes, le lac Nasser. Tous ces projets nécessitent une importante volonté et une gestion moderne à même de réaliser le développement. Le problème le plus crucial qui doit immédiatement être réglé est celui de la crise avec l’Ethiopie et la construction du barrage d’Al-Nahda.
Le prochain président devra également affronter les médias égyptiens. N’importe quel responsable, grand ou petit, peut être exposé aux écarts de conduite des médias égyptiens quelles que soient leurs tendances. Les médias sont devenus un Etat dans l’Etat avec des bras à l’extérieur qu’il faut amputer. Les médias égyptiens sont devenus dangereux au point de menacer les assises de l’Etat et la sécurité du peuple.
La scène égyptienne est prête à accueillir Sissi comme président et j’espère n’y voir aucune ombre du passé même si ce passé est flatteur. Nous voulons voir en lui et avec lui l’avenir dont nous rêvons. Sissi a prouvé qu’il était un combattant redoutable quand il s’est battu contre le démantèlement de l’Etat égyptien et la division du peuple. Il est donc courageux et nous avons besoin d’un homme courageux et non d’un leader, d’un pharaon ou demi-dieu.
Il doit rester comme il est, un simple citoyen égyptien qui partage notre pain et nos rêves. Cet homme ne peut tout faire tout seul, il a besoin d’un peuple uni pour réaliser ces rêves. Personnellement, j’espère pouvoir un jour vivre le vieux rêve d’une véritable démocratie et d’une élection présidentielle dont parlera le monde entier.
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