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Les choix difficiles du Hamas avec l'Egypte

Dimanche, 05 janvier 2014

Depuis la destitution du président Mohamad Morsi, issu des Frères musulmans, le 3 juillet, les rapports entre l’Egypte et le Mouvement de la résistance islamique en Palestine (Hamas) ne cessent de se détériorer. Une émanation de la confrérie en Egypte, ce groupe a été à plusieurs reprises mis à l’index par les autorités intérimaires pour son implication dans les affaires intérieures du pays en faveur des Frères musulmans.

La dernière accusation en date a été annoncée le 2 janvier par le ministre de l’Intérieur, Mohamad Ibrahim, qui a avancé avoir des preuves sur l’implication du Hamas dans l’attentat meurtrier contre la préfecture de police du gouvernorat de Daqahliya, le 24 décembre. Les auteurs de l’attentat auraient reçu une aide logistique et une formation dans la bande de Gaza, sous contrôle du Hamas depuis juin 2007. Des sources au service de renseignements égyptien ont, de leur côté, révélé la veille que la confrérie et le Hamas, de connivence avec des groupes terroristes basés au Sinaï, prépareraient des attentats contre des églises au nord de la péninsule, à l’occasion de la célébration du Noël copte, le 7 janvier. Le mouvement palestinien devait, selon les affirmations du service de renseignements, apporter argent et armes, à travers les tunnels de contrebande entre le Sinaï et Gaza, aux groupes djihadistes pour les aider à commettre des attentats.

La situation se complique pour le Hamas avec les accusations qui sont dans le même sens portées par les rivaux des islamistes de Gaza, à l’Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas, basée à Ramallah, en Cisjordanie. Ces derniers, notamment ceux appartenant au mouvement du Fatah, ont à maintes reprises appelé leurs frères ennemis du Hamas à cesser leur immixtion dans les affaires intérieures de l’Egypte. Leur dernier avertissement date du 29 décembre 2013. Le Hamas, de son côté, ne cesse de vilipender ce qu’il qualifie de tentatives et de campagne de dénigrement systématique du Fatah visant à ternir son image auprès des autorités et du public égyptiens, pour des intérêts politiques évidents.

Les accusations égyptiennes contre le Hamas s’inscrivent dans un cadre plus large qui le lie à la stratégie des Frères musulmans visant à faire monter les protestations contre le gouvernement intérimaire, semer le désordre et la violence en Egypte, en vue de faire dérailler la période de transition actuelle, déstabiliser, voire faire tomber le régime en place, permettant à terme le retour de la confrérie sur la scène politique et, éventuellement, au pouvoir.

C’est dans ce contexte que se place la campagne énergique que mène l’armée au Sinaï à la chasse des groupes djihadistes, qui seraient liés au Hamas, ou à certains éléments en son sein, ainsi qu’à d’autres islamistes radicaux palestiniens. Ces derniers sont plus intéressés à l’établissement d’un Etat islamique, en Egypte et ailleurs, qu’à combattre Israël. Pour eux, la fondation d’un Etat islamique est la voie royale pour défaire à terme Israël. La fermeture des tunnels de contrebande s’inscrit également dans le même contexte avec des effets certes dramatiques pour la population palestinienne, qui souffre déjà d’un blocus israélien depuis la mainmise du Hamas sur la bande de Gaza. Les conséquences de cette campagne sont aussi sévères pour le gouvernement du Hamas, qui perd à cause de la fermeture des tunnels quelque 230 millions de dollars par mois, ce qui équivaut de 30 % à 40 % de ses revenus, tirés des taxes qu’il perçoit de ce trafic lucratif qui est également un moyen essentiel de rendre la vie moins dure aux habitants de l’enclave palestinienne. Selon les estimations du gouvernement du Hamas, la moitié de l’économie de la bande de Gaza dépend de la contrebande avec l’Egypte.

Le Hamas se trouve aujourd’hui très isolé politiquement et en situation économique délicate en raison du nouveau contexte en Egypte, après la chute des Frères musulmans, mais aussi des choix politiques qu’il avait faits ces dernières années. Depuis qu’il avait rompu avec le régime de Bachar Al-Assad en raison de son offensive militaire meurtrière contre sa population et ses opposants, le Hamas a perdu le soutien précieux en argent et en armes de la Syrie et, par ricochet, celui de l’allié régional de Damas, la République islamique d’Iran. Seul le Qatar continue à lui apporter son soutien. Mais en raison des rapports tendus entre Doha et Le Caire, après la destitution de Morsi, cette assistance parvient difficilement au gouvernement de Gaza.

De l’aveu même des dirigeants du Hamas, leur mouvement, face à l’adversité, cherche aujourd’hui sa survie, alors qu’il y a à peine moins de six mois, il était en ascendance en raison du ferme soutien politique, économique et financier apporté par l’organisation mère en Egypte. A l’époque, les dirigeants du groupe pensaient que les Frères musulmans, ou les islamistes en général, allaient dominer l’ensemble du monde arabe, en Egypte, en Tunisie, en Libye et même en Syrie. Sans oublier, au Moyen-Orient, la Turquie, dirigée par le parti islamiste de l’AKP. Aujourd’hui, cet édifice semble sérieusement se lézarder avec notamment la chute des Frères en Egypte. La seule opportunité qui puisse à l’heure actuelle aider le mouvement à sortir de ses difficultés est la conclusion d’un accord de réconciliation avec l’Autorité d’autonomie palestinienne, qui l’aidera à desserrer l’étau diplomatique et lui apportera une bouffée d’oxygène économique et financière. Mais les chances d’un tel accord semblent encore minces, en raison de la forte rivalité entre les deux parties et les interventions extérieures hostiles à cette réconciliation inter-palestinienne.

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