En effet, le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, a déclaré lors de son récent voyage au Royaume qu’un pacte de sécurité américano-saoudien était en voie d’achèvement. Ses propos ont été confirmés par son homologue saoudien, Faisal bin Farhan Al-Saud, qui a déclaré que l’accord américano-saoudien était sur le point d’être conclu.
Cet accord inclut, outre les garanties de sécurité américaines, un feu vert pour le programme nucléaire civil de l’Arabie saoudite et la vente d’armes avancées au Royaume en échange d’une normalisation avec Israël et d’une limitation des relations avec la Chine. Washington envisage également des garanties de sécurité pour Israël afin de surmonter l’opposition de plusieurs législateurs au Congrès. Voulu depuis longtemps par Riyad, le pacte de défense — et ses corollaires de ventes d’armes avancées et de soutien au programme nucléaire — est conditionné par l’Administration américaine à la conclusion d’un accord de paix avec Israël. Cet accord n’est toutefois pas envisageable, côté saoudien, sans obtenir des concessions israéliennes au sujet de la question palestinienne, vers l’établissement d’un Etat.
Exprimé en d’autres termes, Washington négocie actuellement un « méga-accord » impliquant trois composantes. Le premier volet comprend un ensemble d’accords entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, qui est actuellement presque achevé. Le deuxième volet porte sur la normalisation des relations entre Riyad et Israël, alors que le troisième consiste à assurer une voie vers un Etat palestinien. « Tous sont liés entre eux. Aucun n’avance sans les autres », a souligné le porte-parole du Département d’Etat, Matthew Miller. Ces liens montrent la difficulté d’avancer vers un accord final, principalement en raison du refus d’Israël de faire la moindre concession en faveur d’un Etat palestinien. Blinken l’a reconnu en déclarant que la normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël est tributaire d’une « voie vers un Etat palestinien » et du « calme à Gaza », c’est-à-dire un cessez-le-feu.
Dès son arrivée au pouvoir en janvier 2021, l’Administration Biden a fait de la normalisation israélo-saoudienne un élément central de sa politique au Moyen-Orient. Cette normalisation serait une réalisation historique de sa politique étrangère qui lui permettrait la formation d’un axe d’alliés dans la région pour affronter l’Iran. Un tel exploit serait stratégiquement significatif, dans le but de maintenir la domination américaine sur le Moyen-Orient pour des générations à venir, de contrebalancer l’influence croissante de la Chine et d’atténuer le défi posé par la Russie.
Pour Washington, la normalisation saoudo-israélienne devrait être calquée sur les accords d’Abraham, un ensemble de traités qui ont vu quatre Etats arabes, les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan, reconnaître Israël en 2020, sans obtenir en retour, à la grande satisfaction d’Israël, des assurances sur la demande arabe de longue date d’un Etat palestinien indépendant. C’est pour cela que le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a salué en 2021 ces accords car ils ont permis à son pays de « remplacer l’ancienne et dangereuse doctrine des territoires en échange de la paix » par celle, réclamée par Tel-Aviv, de « la paix en échange de la paix ». Netanyahu a toujours rejeté la perspective d’un Etat palestinien indépendant, arguant qu’il nuirait à la sécurité d’Israël.
Les négociations sur le méga-accord américain progressaient en 2023 jusqu’au déclenchement de la guerre de Gaza le 7 octobre, qui les a considérablement perturbées. L’offensive israélienne qui a laissé l’enclave en ruines, en famine et tué près de 35 000 Palestiniens, dont une majorité écrasante de civils, a changé les paramètres de l’accord. Il est devenu intenable de ne pas tenir compte des souffrances des Palestiniens dans la quête d’un règlement régional. Partant, l’Arabie saoudite a commencé à insister explicitement sur l’inclusion dans l’accord de la reconnaissance d’un Etat palestinien basé sur les frontières du 4 juin 1967, le retrait de l’armée israélienne de la bande de Gaza et l’arrêt de la colonisation juive en Cisjordanie, qui érode la viabilité d’un Etat palestinien. De son côté, l’Administration Biden a cherché à atténuer les retombées de la guerre sur le processus de normalisation en mettant l’accent sur la solution à deux Etats. Mais cette perspective se heurte à un obstacle de taille, car la guerre a durci la position du gouvernement extrémiste de droite en Israël, devenu plus catégorique dans son refus d’un Etat palestinien. Il est impossible que Netanyahu, qui s’est associé à l’extrême droite pour rester au pouvoir, accepte un quelconque type d’Etat palestinien qui conduirait ses partenaires à le renverser et à la fin de sa carrière politique. Le plan qu’il a proposé sur le « jour d’après » à Gaza illustre bien son engagement à rejeter toute concession qui conduirait à la création d’un Etat palestinien.
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