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Quel bilan de la guerre de Gaza ?

Mercredi, 08 mai 2024

Les nations-unies ont publié le 2 mai un rapport détaillant la grave dévastation de la bande de Gaza, comparant l’ampleur des destructions à celles de la Seconde Guerre mondiale.

L’étendue des destructions comprend au moins 370 000 logements endommagés, dont 79 000 complètement détruits, ce qui équivaut à 72 % de tous les bâtiments résidentiels. Selon le rapport conjoint du Programme de l’ONU pour le Développement (PNUD) et de la Commission Economique de l’ONU pour l’Asie Occidentale (CESAO), si la guerre devait cesser aujourd’hui, il faudrait au moins jusqu’en 2040 pour reconstruire les maisons détruites par les bombardements. Malgré les efforts de reconstruction antérieurs — après les conflits entre Israël et le Hamas en 2014 et 2021 — au rythme de 992 unités par an, le niveau actuel de dévastation nécessite une augmentation monumentale de l’allocation de matériaux de construction par Tel-Aviv (cinq fois plus) pour atteindre les objectifs de reconstruction d’ici 2040.

Le directeur régional du PNUD pour les Etats arabes, Abdallah Al-Dardari, a comparé la situation actuelle au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, soulignant l’immense défi de retirer 37 millions de tonnes de débris pour faire place à des abris temporaires et à des structures essentielles. Il a présenté une estimation préliminaire pour un programme de relèvement rapide s’étalant sur trois ans et coûtant entre 2 et 3 milliards de dollars, visant à rétablir une certaine normalité pour des centaines de milliers de Palestiniens. Le coût global de la reconstruction pour Gaza est estimé entre 40 et 50 milliards de dollars. La reconstruction de toutes les maisons détruites par l’offensive militaire israélienne pourrait, selon les projections du rapport, prendre jusqu’au siècle prochain (80 ans) si la cadence de la reconstruction devait correspondre à ce qu’il était après les guerres précédentes entre le Hamas et Israël.

Les retombées sociales et économiques de la guerre sont décrites comme augmentant « de manière exponentielle ». Le rapport qualifie le nombre de victimes — 5 % des 2,3 millions d’habitants de Gaza — de « sans précédent » dans le monde en si peu de temps. Plus de 34 000 Palestiniens, principalement des femmes et des enfants, ont été tués, plus de 80 000 blessés et environ 7 000 disparus, la plupart seraient enterrés sous les décombres.

Le rapport brosse un tableau désastreux de la lutte pour survivre à Gaza, où 201 000 emplois ont été perdus depuis le début de la guerre et où l’économie s’est contractée de 81 % au dernier trimestre de 2023. Il a révélé que le taux de chômage des Palestiniens en Cisjordanie occupée, à Jérusalem-Est et à Gaza était passé de 26 % à 46 % après six mois de guerre. Au cours de cette période, près de 50 milliards de dollars d’investissements avaient été effacés, plongeant 1,8 million de Palestiniens dans la pauvreté. Ainsi, le taux de pauvreté dans les Territoires palestiniens a plus que doublé, passant de 26,7 % à 57,2 %. Cela s’est traduit par la régression considérable de l’Indice de Développement Humain (IDH) de Gaza — qui mesure les problèmes-clés pour une vie longue et en bonne santé, pour acquérir des connaissances et pour atteindre un niveau de vie décent — de plus de deux décennies, la base productive de son économie étant presque détruite. Le rapport estime une diminution stupéfiante de 51 % du PIB de Gaza pour 2024.

Les projections de l’Onu brossent un tableau plus sombre en cas de prolongement du conflit. Si la guerre devait se poursuivre pendant neuf mois, les niveaux de pauvreté pourraient atteindre 60,7 %, et 1,86 million de personnes supplémentaires tomberaient dans la pauvreté. Le PIB diminuerait encore de 29 %, ce qui équivaudrait à des pertes totales de 7,6 milliards de dollars. Parallèlement, l’IDH baisserait à 0,551 — contre 0,647 actuellement —, retardant les progrès de 44 ans.

Contrairement aux guerres précédentes entre Israël et le Hamas, l’étendue des destructions à Gaza aujourd’hui, dont la perte d’habitations, de moyens de subsistance, de ressources naturelles, d’infrastructures, ainsi que de capacités institutionnelles, aura des impacts profonds pour des décennies à venir. C’est ainsi que la secrétaire exécutive de la CESAO, Rola Dashti, a souligné que la bande de Gaza risquerait de devenir entièrement dépendante de l’aide extérieure à une échelle jamais vue depuis 1948, car elle se retrouvera sans économie fonctionnelle, ni aucun moyen de production, d’autosuffisance, d’emploi ou de capacité de commerce.

Les conclusions du PNUD et de la CESAO concordent avec l’évaluation intermédiaire des dommages faite par l’Onu et la Banque mondiale, qui estimait les dommages directs causés aux infrastructures de Gaza à 18,5 milliards de dollars en janvier 2024, soit 97 % du PIB des Territoires palestiniens en 2022.

La stratégie délibérée d’Israël de raser la bande de Gaza et de tuer le maximum de sa population, dont les résultats ont été présentés par le rapport onusien, a un double objectif : se venger de l’attaque du 7 octobre, mais également et surtout exploiter l’occasion pour réaliser un rêve ancien consistant à pousser les Palestiniens, de gré ou de force, à quitter leur terre, rendue invivable.

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