L’enquête commanditée par l’ONU après que Tel-Aviv avait allégué qu’une douzaine d’employés de l’UNRWA — sur un ensemble de 13 000 à Gaza — avaient participé à l’attaque du 7 octobre a révélé qu’Israël n’avait fourni aucune preuve pour étayer son accusation et n’avait jamais exprimé d’inquiétude au sujet de quiconque figurant sur les listes du personnel qu’il reçoit chaque année depuis 2011. Le groupe d’enquête a souligné que l’agence onusienne dispose de procédures « robustes » pour faire respecter le principe de neutralité, mais il a cité des lacunes dans leur mise en oeuvre. Il a par contre affirmé que l’UNRWA est « irremplaçable et indispensable au développement humain et économique des Palestiniens ».
L’existence de l’UNRWA était menacée à partir de janvier, lorsque 16 donateurs, principalement occidentaux, ont suspendu leur financement après les accusations d’Israël. Mais depuis la publication du rapport, la majorité a repris son aide. Le jour même de la publication du rapport, le ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz, a appelé les pays donateurs à cesser d’envoyer de l’argent à l’agence. Cette position exprime une politique de longue date visant au démantèlement de l’UNRWA, mais qui a repris de la vigueur à la faveur de la guerre de Gaza. Israël soutient que l’agence a perpétué le conflit avec les Palestiniens en accordant le statut de réfugié à leurs descendants rendus sans abri par la guerre de 1948 lors de la création d’Israël. Cette position est contraire à la résolution 194 de l’Assemblée générale de l’ONU, adoptée en décembre 1948, qui accorde aux Palestiniens le droit de retour dans leur terre le plus tôt possible. Partant, l’UNRWA a été créée en 1949 pour subvenir aux besoins des Palestiniens jusqu’à leur retour. Ce que rejette Israël.
La raison pour laquelle l’Etat hébreu cherche par tous les moyens à supprimer l’UNRWA est qu’elle est devenue un symbole du sort non résolu des réfugiés palestiniens. Les 750 000 Palestiniens chassés de leur terre en 1948 sont restés sous le mandat de l’UNRWA, ainsi que leurs descendants. Plus tard, les Palestiniens déplacés par la guerre de 1967, qui a conduit à l’occupation israélienne de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, ont été ajoutés au mandat de l’UNRWA. Aujourd’hui, environ 5,9 millions de Palestiniens sont éligibles aux services de l’agence qui opère à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem-Est, en Jordanie, en Syrie et au Liban. Ce qui était censé être un programme humanitaire temporaire est devenu un fournisseur de services massif qui serait politiquement et logistiquement difficile — voire impossible — à remplacer.
L’agence contribue à maintenir vivants les espoirs des réfugiés et de leurs descendants de retourner un jour sur les terres qu’ils ont été forcés de quitter. C’est pour cette raison qu’Israël veut en finir avec l’UNRWA, en espérant que sa disparition sapera toute la revendication des Palestiniens d’avoir le droit au retour. L’Etat juif considère le retour d’un grand nombre de réfugiés palestiniens comme une menace existentielle pour le maintien d’une majorité juive. Actuellement, le pays compte 9,8 millions d’habitants, dont environ 7,2 millions de juifs et un peu plus de 2 millions de Palestiniens. S’y ajoutent 2,7 millions de Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et 2,3 millions dans la bande de Gaza. Cette crainte démographique explique l’acharnement des responsables israéliens contre l’UNRWA. Le 27 janvier, le chef de la diplomatie israélienne a déclaré que son ministère applique une politique visant à ce que l’UNRWA ne fasse pas partie de l’après-guerre à Gaza. De son côté, le premier ministre, Benyamin Netanyahu, a affirmé que « la mission de l’UNRWA doit prendre fin ».
Profitant de la guerre de Gaza, Israël a pris plusieurs mesures pour entraver la capacité de l’UNRWA à fonctionner, dont le blocage pendant cinq mois dans le port d’Ashdod de conteneurs maritimes destinés à l’agence transportant de la farine pour 1,1 million de Palestiniens à Gaza. Il a également annulé les exonérations fiscales dont bénéficie l’UNRWA en tant qu’agence de l’ONU, limité la durée des visas pour son personnel international et cherché à fermer ses bureaux à Jérusalem-Est occupée. Malgré ces agissements visant à asphyxier l’UNRWA en vue de sa dissolution à terme, son rôle est devenu de plus en plus vital pour des millions de réfugiés qui restent profondément attachés à leurs terre, histoire, culture, traditions et dialectes. Leur persistance à revendiquer un Etat a conduit la communauté internationale à adopter la solution à deux Etats. Jusqu’à ce que cet objectif soit réalisé, les réfugiés devront pouvoir compter sur l’UNRWA car aucune autre organisation de secours ne peut remplacer son infrastructure et son personnel, bâtis sur 75 ans.
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