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Les femmes égyptiennes détiennent la clé de la prospérité du pays

Vendredi, 08 mars 2024

Alors que l’économie égyptienne traverse une mauvaise passe, avec ses difficultés de longue date à créer des emplois exacerbées par de multiples chocs externes pernicieux, une question cruciale se pose : qui peut dégager la voie pour un développement durable ? Les femmes égyptiennes ! Elles représentent un volet important de la solution.

Les femmes constituent près de la moitié de la population active. Pour autant, malgré les importants progrès réalisés dans les domaines de la santé et de l’éducation, moins d’une femme sur six avait un emploi en 2022. Une baisse par rapport à 2009, lorsqu’une femme sur quatre travaillait, contre trois hommes sur quatre. L’analyse de la Banque mondiale intitulée How Large Are the Economic Dividends from Closing Gender Employment Gaps in the Middle East and North Africa?, qui examine l’ampleur des dividendes économiques de la réduction des écarts entre les genres en matière d’emploi au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, indique que l’élimination de ces disparités contribuerait à la croissance économique à hauteur de 50 %.

Consciente de cette opportunité inexploitée, l’Égypte a pris des mesures sérieuses, tant législatives que procédurales, au cours des dernières décennies dans le but de s’attaquer aux principaux problèmes fondamentaux qui entravent l’égalité des genres.

En 2017, le président Abdel Fattah Al-Sissi a adopté la Stratégie nationale pour l’autonomisation des femmes égyptiennes à l’horizon 2030 (NSEW 2030), qui était assortie d’une mission claire assignée au gouvernement, à savoir faire de l’Égypte le premier pays au monde à aligner sa stratégie nationale pour les femmes à l’horizon 2030 sur les ODD.

En dépit de ces efforts, la participation des femmes à l’économie recèle un énorme potentiel inexploité, qui peut générer des revenus pour des familles et favoriser la croissance au profit de tous les Égyptiens.

Quelles sont donc les solutions ? Nous devons démanteler les nombreux goulots d’étranglement qui entravent la participation des femmes à l’économie. Il s’agit notamment d’améliorer l’accès à des transports sûrs et de fournir des services de garde d’enfants de qualité et d’un coût abordable. Un accès équitable aux financements et un contrôle plus égal des ressources et des actifs sont également indispensables.

Des campagnes telles que Taa Marbouta du Conseil national des femmes ont fait leurs preuves en matière de plaidoyer et de communication. Il faut poursuivre les efforts de lutte contre le harcèlement au travail et dans les transports publics, en donnant aux femmes et à leurs familles des connaissances sur les mesures et outils de protection.

L’investissement dans les structures d’accueil des enfants non seulement permet aux femmes de retourner au travail, mais aussi de créer des opportunités d’emploi dans le secteur lui-même. Le taux de couverture des crèches reste faible, à 14 % pour les enfants âgés de 0 à 4 ans et à 31 % pour les enfants d’âge préscolaire âgés, c’est-à-dire de 4 à 6 ans.

Le rapport de la Banque mondiale intitulé Women Economic Empowerment Study for Egypt, consacré à l’autonomisation économique des femmes en Égypte, met en lumière les secteurs qui présentent un potentiel d’emploi pour les femmes, parmi lesquels l’économie des soins, la confection de vêtements et les TIC. Il est crucial de réduire les obstacles à l’emploi grâce à des réformes structurelles et de créer des emplois qui tiennent compte des responsabilités familiales.

Pour promouvoir, encourager et institutionnaliser l’égalité des genres dans le secteur privé égyptien, le Groupe de la Banque mondiale s’est associé au Conseil national des femmes pour relancer la certification Sceau de l’égalité des genres (EGES) de l’Égypte. Ce modèle promeut l’équité entre les genres dans le secteur privé en concevant un ensemble de bonnes pratiques pour i) le recrutement ; ii) l’avancement de carrière ; iii) la conciliation famille-travail ; et iv) les politiques relatives au harcèlement sexuel. En outre, la Société financière internationale (IFC), institution du Groupe de la Banque mondiale au service du secteur privé, fournit des services-conseil, encourage la diversité des genres dans les conseils d’administration et soutient des initiatives visant à améliorer l’accès des femmes à l’emploi et aux services financiers, le tout dans le but de promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes.

La Banque mondiale soutient les programmes de transferts monétaires Takaful et Karama, dont 75 % des bénéficiaires sont des femmes. Cet appui a eu des effets bénéfiques sur l’indépendance financière et les capacités de prise de décision des femmes. En outre, le programme d’inclusion économique FORSA a joué un rôle déterminant lors de la transition consistant à aider les bénéficiaires à passer de la protection sociale à des activités productives en facilitant l’accès à des moyens de subsistance.

Il est essentiel de renforcer les statistiques ventilées par sexe afin d’éclairer l’élaboration des politiques publiques et la conception des programmes : le manque de données fait perdre de vue les personnes pauvres et vulnérables. La collaboration de la Banque mondiale avec l’Agence centrale de mobilisation publique et de statistique (CAPMAS) de l’Égypte en vue de produire et analyser des données ventilées par sexe et des enquêtes sur l’emploi du temps permettra de suivre les progrès.

Au niveau du Groupe de la Banque mondiale, nous attendons avec impatience la prochaine Stratégie en matière de genre 2024-2030, car elle trace la voie à suivre pour innover, financer et agir collectivement avec nos partenaires afin de mettre fin aux violences faites aux femmes, développer et protéger le capital humain, créer et favoriser les opportunités économiques et faire participer les femmes en tant que leaders. Cette nouvelle stratégie qui sera officiellement lancée en 2024 aura été orientée par des échanges nombreux et inclusifs avec les clients des secteurs public et privé, des partenaires de développement, la société civile et d’autres parties prenantes clés.

L’autonomisation des femmes et des filles est un impératif moral, mais c’est aussi un facteur déterminant pour des institutions plus inclusives, des revenus plus élevés pour les familles et des emplois plus nombreux pour l’économie. Alors que nous célébrons la Journée internationale des femmes, efforçons-nous de comprendre les normes sociales et sexospécifiques et faisons de l’autonomisation économique des femmes la priorité pour l’avenir de l’Égypte. Il est temps de donner sa pleine mesure au potentiel de la société en faisant en sorte que les femmes aient des chances égales de contribuer à la prospérité du pays.

 

* Stéphane Guimbert, directeur des opérations de la Banque mondiale pour l’Égypte, le Yémen et Djibouti

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