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Etats-Unis-Iran : Une exploitation mutuelle

Mercredi, 14 février 2024

Les relations américano-iraniennes se concentrent sur une stratégie d’exploitation mutuelle pour la réalisation des objectifs des deux pays.

Dans ce contexte, l’Iran a toujours présenté les Etats-Unis comme son plus grand ennemi, suivi par Israël, et ce, afin de renforcer son pouvoir et son rôle régionaux. L’Iran a brandi des slogans refusant la présence militaire américaine au Proche-Orient et a eu recours à ses alliés en Iraq, en Syrie, au Liban et au Yémen pour frapper des objectifs américains et faire pression sur les Etats-Unis, dans une guerre par procuration sans affrontement direct. Le coût d’un tel affrontement serait énorme pour le régime iranien qui connaît des pressions intérieures, ainsi que des défis économiques importants. La politique iranienne se caractérise donc par son pragmatisme et vise à maintenir les règles du jeu dans l’affrontement avec les Etats-Unis.

Pour leur part, les Etats-Unis utilisent l’Iran comme un épouvantail pour renforcer leur présence militaire et politique dans la région. Washington tient également à maintenir les règles du jeu dans l’affrontement avec l’Iran, qui sont la volonté d’éviter un affrontement direct et de manier la carotte et le bâton selon l’Administration qui dirige la Maison Blanche.

Les administrations républicaines penchent pour la politique du bâton et la stratégie des pressions extrêmes en imposant des sanctions ou en menant des frappes militaires contre des objectifs iraniens, comme ce fut le cas sous Trump. Quant aux administrations démocrates, elles penchent pour la politique de la carotte. L’ancien président Barack Obama avait adopté la stratégie du dialogue et de la diplomatie et avait conclu un accord nucléaire avec l’Iran en 2015. Le président Biden a suivi la même méthode et a tenté de réinstaurer l’accord nucléaire dont le président Trump s’était retiré en 2018. Les Etats-Unis ont recours à la force militaire lorsque l’Iran dépasse ses lignes rouges, comme ce fut le cas lors de l’attaque de soldats américains en Iraq et en Syrie.

Depuis le déclenchement de la guerre israélienne contre Gaza, les deux parties ont respecté les règles du jeu. L’Iran et ses alliés ont exploité cette guerre pour gagner en popularité et renforcer leur position, sous prétexte de défendre la cause palestinienne. C’est pour cela que l’Iran a poussé le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen, ainsi que les milices en Iraq et en Syrie à viser les intérêts israéliens et américains sans s’impliquer directement. L’Iran prétend n’avoir aucune relation avec les actes de ses alliés, alors qu’en réalité, c’est lui qui leur procure le soutien militaire, financier et politique et assume leur formation. De leur côté, les Etats-Unis ont adopté une stratégie de riposte limitée contre les milices pro-iraniennes qui attaquent les intérêts et les forces américaines dans les pays de la région, ainsi que les intérêts de leur principal allié dans la région, Israël, comme les attaques des Houthis contre les navires commerciaux en mer Rouge.

La stratégie de Biden a conduit à une érosion de la force de dissuasion américaine face aux attaques répétées des alliés de l’Iran contre des intérêts américains. Depuis le 7 octobre dernier, plus de 180 attaques ont été perpétrées contre des objectifs américains en Iraq et en Syrie et plus de 35 attaques commises par les Houthis contre des objectifs américains et israéliens en mer Rouge. Cela a contraint les Etats-Unis à lancer des frappes de représailles contre les Houthis.

De plus, l’attaque qui a coûté la vie à 3 soldats américains et en a blessé 25 à la frontière syro-jordanienne a constitué un défi majeur pour l’Administration Biden. D’un côté, cette attaque signifie que l’Iran et ses alliés ont franchi les lignes rouges et qu’une réponse décisive est nécessaire. En l’absence de cette réponse, les Etats-Unis apparaîtraient faibles, ce qui s’ajouterait aux critiques formulées par les Républicains à l’encontre de Biden, l’accusant de complaisance envers l’Iran. Certains ont même réclamé des frappes directes à l’intérieur de l’Iran. Mais les Etats-Unis doivent maintenir un équilibre dans leurs relations avec l’Iran, ce qui les empêche de lancer des frappes directes ou d’aggraver le conflit. L’Iran s’est empressé de nier toute implication dans l’attaque, a retiré ses chefs militaires de Syrie et a ordonné à ses alliés de suspendre les attaques contre tout objectif américain. En conséquence, Washington a mené des ripostes limitées contre des cibles liées à l’Iran en Syrie et en Iraq afin d’éviter le déclenchement d’une guerre.

La recherche d’un équilibre entre les intérêts américains et le pragmatisme iranien continuera à encadrer les relations entre les deux pays. De plus, des canaux secrets et d’autres directs existent entre les deux parties pour maintenir les règles du jeu. En fin de compte, c’est la région du Proche-Orient qui en paye le prix.

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