Dans sa plainte, l’Afrique du Sud a documenté ce qu’elle considérait comme des preuves du génocide, notamment le grand nombre d’enfants tués, les déplacements de population et l’inaccessibilité de l’aide. Elle a considéré ces actes comme ayant l’intention de détruire les Palestiniens « en tant que groupe national, racial et ethnique » et a appelé à « prendre des mesures provisoires pour protéger les droits des Palestiniens et veiller à ce qu’Israël respecte ses obligations » en vertu de la Convention sur le génocide.
Le message de l’Afrique du Sud dans ce procès est multidimensionnel et affectera finalement la région arabe, le monde et même les politiques israéliennes. Tout d’abord, l’Afrique du Sud est un Etat civil démocratique avec une longue histoire inspirante dans la lutte contre l’apartheid. En dépit de ses problèmes économiques, politiques et sécuritaires, elle s’est rangée du côté de ses valeurs, de ses principes et de son histoire. Elle l’a fait bien qu’elle ne fasse pas partie du conflit et qu’elle n’ait pas de citoyens vivant à Gaza ou ayant été affectés par cette guerre. Au moins, elle ne s’est pas contentée de répéter, comme certains le font, la phrase misérable : « Ça ne nous regarde pas ».
Deuxièmement, l’Afrique du Sud n’est pas un pays que l’Occident qualifie de « voyou », comme il arrive avec l’Iran. Ce n’est pas non plus un pays accusé de soutenir le terrorisme ou de terroriste comme sont taxées les factions de la résistance palestinienne, dirigées par le Hamas. Au contraire, c’est un pays intégré dans le système mondial qui a lutté pour changer ses aspects négatifs, dont le plus important est l’histoire coloniale, et sa lutte contre le régime de l’apartheid que l’Occident et la Grande-Bretagne ont longuement soutenu. Ce pays a réussi à renverser le régime de l’apartheid par une lutte populaire et armée qui a incité l’Occident lui-même à revoir sa position et à reconnaître la volonté du peuple sud-africain.
Sa démarche auprès de la CIJ reflète une position moralement et politiquement correcte et courageuse. Elle devra faire face à la pression exercée par l’Etat juif et ses alliés sur les pays et les organismes qui s’efforcent d’émettre une condamnation internationale contre les pratiques d’Israël ou de mobiliser l’opinion publique mondiale. Autrement dit, elle devra faire face à la guerre qui sera lancée par les grandes institutions financières, médiatiques et politiques dominées par les lobbys pro-israéliens.
L’Afrique du Sud a vécu l’une des expériences les plus inspirantes de l’Histoire de l’humanité. Elle a affronté un régime d’apartheid fortement similaire au régime israélien par le biais d’une lutte politique et civile menée par le Congrès national africain. Ceci est intervenu après la répression et l’interdiction du parti et les tirs sur les manifestants pacifiques qui rejetaient l’apartheid. En 1961, Nelson Mandela avait fondé et présidé une aile militaire au mouvement politique appelée « Umkhonto we Sizwe » (le fer de lance). Il avait été arrêté et condamné à la prison à vie et a lancé à partir de sa cellule sa célèbre phrase « Unissez-vous, préparez-vous et luttez. Entre l’enclume du mouvement populaire et le marteau de la résistance armée, nous écraserons l’apartheid ». Et ce fut. Mandela a été libéré en 1990, après 27 ans d’incarcération. Sous le signe de la réconciliation nationale avec la minorité blanche, il est devenu le premier président d’origine africaine pour un seul mandat, de 1994 à 1999.
L’Afrique du Sud a été libérée grâce à une lutte populaire armée et à une campagne internationale qui a fait pression pour la libération à la fois de l’homme et du pays. Il s’agit là d’un message important adressé à la lutte du peuple palestinien, qui a besoin de poursuivre sa lutte interne pour se libérer du colonialisme racial et sa lutte extérieure contre la répression de la machine de guerre israélienne.
Bien que la décision de la Cour soit consultative, elle représentera certainement une nouvelle carte de pression sur Israël, qui devrait mettre fin à son agression. D’autant plus qu’elle représente une « étape historique », car elle ouvrira la porte à d’autres pays et institutions pour mener des campagnes politiques et juridiques similaires, capables d’influencer la communauté internationale, loin des slogans et des discours émotionnels.
Le message de l’Afrique du Sud est également important pour le monde arabe. Il montre qu’il existe de nombreuses formes de lutte pour la libération nationale et que le soutien aux peuples qui luttent pour leur libération, comme le peuple palestinien, nécessite non seulement un soutien militaire, mais surtout un soutien civil, juridique et diplomatique, comme l’a fait l’Afrique du Sud devant la CIJ.
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