La montée du nombre des victimes de l’armée israélienne, dont 24 soldats tués en un seul jour, le 22 janvier, a donné l’avantage dans le débat à ceux qui souhaitent un accord qui restitue les otages et met fin à la guerre, même si le Hamas n’est pas démantelé.
Même avant cette dernière perte importante de soldats, les membres du cabinet de guerre Benny Gantz et Gadi Eisenkot, qui appartiennent au parti centriste de l’Unité nationale, le chef de l’opposition Yair Lapid et un mouvement croissant de familles d’otages ont fait pression plus que jamais pour qu’un accord soit conclu sur la restitution des otages, même au prix de sacrifier l’autre objectif de la guerre, l’écrasement du Hamas. Ils soulignent que le gouvernement et l’armée ont trahi ces civils et doivent les remettre en sécurité avant que tout autre intérêt national ne soit pris en compte. Un autre argument des tenants de ce courant est le nombre croissant des pertes humaines de l’armée. Pour eux, il est douteux qu’Israël, en continuant sa guerre à Gaza, parvienne à atteindre les objectifs qu’il s’est assignés, la libération des otages et la destruction du Hamas. Ils estiment que l’armée ne peut plus accomplir davantage. En conséquence, continuer la guerre reviendrait à gaspiller des centaines de vies supplémentaires parmi les soldats sans objectif stratégique clair. Selon les analystes militaires, le succès du Hamas à éliminer un nombre croissant de soldats tient à l’adaptation de sa stratégie face à l’offensive terrestre de l’Etat hébreu. Le groupe opérerait en unités plus petites, employant des tactiques de guérilla pour tendre des embuscades aux troupes israéliennes, tandis que les combattants individuels assument des tâches plus élargies.
Les données sur le terrain donnent ainsi raison aux partisans d’un accord rapide sur les otages. Jusqu’à présent, l’armée israélienne fait face à une farouche résistance à Gaza et ne parvient pas à éliminer le groupe palestinien. Selon les services de renseignement américains, cités par le Wall Street Journal le 21 janvier, le Hamas n’a perdu que 20 à 30 % de ses combattants, sur un total de 25 000 et 30 000, depuis le début de la guerre le 7 octobre, contrairement aux allégations d’Israël qui affirme être proche de son objectif. Les estimations américaines, les premières depuis le début de la guerre, sont bien loin de l’objectif déclaré d’Israël de « détruire » le groupe palestinien. Elles soulignent que ce dernier dispose encore de suffisamment de munitions pour continuer à frapper l’armée à Gaza et à lancer des roquettes sur Israël « pendant des mois ».
Le rapport des services de renseignement met également en porte-à-faux les responsables militaires israéliens qui affirment avoir blessé 16 000 combattants du Hamas et qu’environ la moitié d’entre eux ne retourneront probablement pas sur le champ de bataille. Or, les estimations américaines avancent une fourchette de 10 500 à 11 700 combattants, avec la possibilité que beaucoup d’entre eux retournent au service actif. Même dans le nord de l’enclave palestinienne, où l’offensive israélienne a détruit une grande partie de la ville de Gaza, le Hamas reste résilient et tente de reconstituer ses forces de police dans certaines parties de la ville, selon des responsables américains. Un officier israélien a confirmé au Wall Street Journal que les autorités du ministère palestinien de l’Intérieur dirigé par le Hamas étaient effectivement retournées à Gaza, y compris dans des zones précédemment saisies par l’armée israélienne pendant les combats.
Constatant qu’Israël est incapable d’atteindre ses objectifs, l’Administration du président Joe Biden a réduit ses attentes vis-à-vis de la guerre et a exhorté son allié israélien à changer de tactique pour mener des opérations ciblées contre les dirigeants du Hamas. Mais le premier ministre Benyamin Netanyahu, dont la survie politique est liée à une guerre longue, tient fermement à la nécessité de poursuivre les combats pour éradiquer le Hamas, face à l’opposition de Washington, de Gantz et Eisenkot. Ce dernier, ancien chef d’état-major de l’armée, a insisté, lors d’une réunion du cabinet de guerre en mi-janvier, sur le fait qu’Israël devrait cesser de se faire des illusions sur sa capacité à éradiquer le Hamas. Les affirmations d’Eisenkot ont un poids considérable en Israël, car il est l’un des auteurs de la doctrine « Dahiya », une stratégie militaire engageant Israël à utiliser une force disproportionnée contre ses ennemis, y compris en détruisant les infrastructures civiles. La doctrine a régi l’actuelle campagne militaire israélienne contre la bande de Gaza.
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