Alors qu’ils ont légèrement modifié leur position le 24 octobre, passant d’un soutien inconditionnel à Israël à la nécessité de protéger la population palestinienne, ils ont voté à peine trois jours plus tard contre la résolution soutenue par 121 membres à l’Assemblée générale de l’Onu appelant à une trêve humanitaire immédiate entre Israël et le Hamas et exigeant l’accès de l’aide à Gaza.
A vrai dire, le président Joe Biden ne s’est pas départi de sa conviction fondamentale qu’Israël a le droit de se défendre après l’attaque du Hamas du 7 octobre. Mais le nombre croissant de morts palestiniens, les difficultés à libérer les otages détenus par le Hamas, le risque d’une guerre plus large au Moyen-Orient et la montée des protestations des pays arabes et de certains Américains ont poussé l’Administration à nuancer son discours, soutenant publiquement une pause humanitaire dans les attaques israéliennes et demandant l’acheminement de l’aide aux Palestiniens. Ce changement est intervenu le 24 octobre à la suite d’un appel du secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, à assurer la protection des civils et à des appels de plus en plus désespérés des organisations de l’Onu à autoriser l’aide. Un porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby, a alors justifié le changement de ton par l’aggravation de la crise humanitaire et « des conversations de l’équipe Biden avec des pays du monde entier ». L’Administration américaine ne s’attendait pas à ce que le nombre de victimes palestiniennes augmente d’une façon si alarmante ou que la situation humanitaire s’aggrave si rapidement.
C’est ainsi que les Etats-Unis ont révisé leur propre projet de résolution présenté le 25 octobre au Conseil de sécurité de l’Onu qui, tout en soulignant le droit d’Israël à l’autodéfense, a appelé à toutes les mesures, en particulier des pauses humanitaires, pour garantir un accès sans entrave à l’aide humanitaire. Washington voulait ainsi présenter un compromis qui soutiendrait ses efforts pour rivaliser avec la Chine et la Russie auprès des pays arabes et du Sud global. Beaucoup de ces derniers soutiennent la cause palestinienne. Les Etats-Unis voulaient également montrer qu’ils essaient d’obtenir de l’aide aux Palestiniens, dans l’espoir de faire baisser la tension dans le monde arabe et de réduire un anti-américanisme rampant. Mais cet espoir a été anéanti lorsque la Russie et la Chine ont mis leur veto au projet de résolution américain qui n’appelait pas à un cessez-le-feu.
De son côté, Biden a fait, le 25 octobre, des déclarations qui contrastent avec sa position initiale de soutien indéfectible à Israël. Il a ainsi souligné qu’« Israël doit faire tout ce qui est en son pouvoir (…) pour protéger des civils innocents ». Il a également fait une rare critique des « colons extrémistes » israéliens en Cisjordanie, les accusant de mettre de l’huile sur le feu. Selon le ministère palestinien de la Santé, plus de 100 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie lors d’attaques de représailles de colons israéliens et de raids militaires depuis l’attaque du Hamas. Biden n’a cependant pas mentionné le rôle de l’armée israélienne dans la violence en Cisjordanie. Il n’a pas non plus cité le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, un colon d’extrême droite avec une histoire d’incitation anti-arabe, qui a distribué des armes aux colons, dont beaucoup étaient déjà lourdement armés. Enfin, Biden a appelé à des « efforts concentrés », une fois la crise terminée, pour travailler à un accord en vertu duquel Israël et un Etat palestinien coexisteront côte à côte.
Agé de 80 ans, Biden a nuancé sa rhétorique face à une candidature difficile à la réélection en 2024, aux menaces de certains partisans potentiels de retirer leurs votes en raison de son manque de soutien aux Palestiniens. En effet, la coalition libérale qui a conduit à la victoire de Biden sur Donald Trump en 2020 s’effrite sous le poids de l’intensification des frappes militaires israéliennes contre la bande de Gaza, où la situation humanitaire se détériore rapidement. Le soutien public indéfectible du président aux représailles israéliennes, qui ont fait des milliers de morts palestiniens, risquait d’approfondir la frustration ressentie par les jeunes électeurs progressistes qui ont voté massivement pour lui il y a trois ans. En soutenant la vengeance de plus en plus sanglante d’Israël, Biden compromettait davantage une coalition méticuleusement tissée de partisans essentiels à ses espoirs de réélection en 2024. Bien que la grande majorité des militants démocrates conviennent généralement qu’Israël a le droit de se défendre, le nombre croissant de morts dans la bande de Gaza, avec son cortège de catastrophe humanitaire, a déclenché une poussée passionnée, en particulier parmi les jeunes de moins de 30 ans, pour un cessez-le-feu immédiat.
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