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Pourquoi les coups d’Etat se multiplient en Afrique ?

Jeudi, 07 septembre 2023

A peine un mois après que l’armée au Niger avait renversé le président, son homologue au Gabon a pris le pouvoir le 30 août, portant à neuf le nombre de coups d’Etat militaires en Afrique subsaharienne depuis 2020.

Des sanctions internationales ont été imposées pour tenter de ramener ces pays à la démocratie, sans grand succès. Les coups d’Etat réussis ou ratés étaient fréquents en Afrique après les indépendances dans les années 1960 et pendant la Guerre froide. Les putschistes justifiaient leurs coups de force par la corruption et la mauvaise gestion des régimes en place, ainsi que par la propagation de la pauvreté. La vague de démocratisation dans les années 1990, après la disparition de l’Union soviétique, a créé l’espoir d’un recul des interventions militaires en politique. Effectivement, depuis le début des années 2000, l’Afrique a témoigné d’une baisse des coups d’Etat. De 2011 à 2020, le continent comptait en moyenne un coup d’Etat réussi par an. Mais depuis lors, la relative stabilité a cédé la place à ce qui ressemble à une forte résurgence des interventions militaires, faisant de l’Afrique le continent qui a connu le plus grand nombre de coups d’Etat au monde. La majorité de ceux-ci a eu lieu dans la ceinture sahélienne du continent. Du 1er janvier 2020 à décembre 2022, il y a eu une douzaine de tentatives de coups d’Etat, dont 6 réussis, entraînant un changement inconstitutionnel de gouvernement.

Parmi ces derniers figurent les coups d’Etat au Mali, au Burkina Faso et en Guinée. En 2021, l’armée tchadienne a remplacé son défunt président par son fils, un général de l’armée. Toutes ces prises de contrôle militaires signalent une menace pour la consolidation des démocraties naissantes en Afrique. Elles sont fondées sur le malaise économique et la faiblesse de la gouvernance qui ont alimenté la frustration des populations et — dans le Sahel en particulier — la propagation de la violence extrémiste de l’Etat islamique et des affiliés d’Al-Qaëda. Entre 2020 et 2021, les attaques dans la région par des groupes islamistes ont augmenté de 70 %, passant de 1 180 à 2 005. Cette menace à la sécurité a souvent servi de prétexte, entre autres, aux coups d’Etat au Sahel. Cependant, malgré les affirmations des nouveaux hommes forts selon lesquelles ils s’attaquent à l’insécurité, le nombre de personnes tuées dans la région a bondi au premier semestre de l’année.

A la naissance de la vague de démocratisation en Afrique dans les années 1990, la communauté internationale, l’Organisation de l’unité africaine — devenue l’Union africaine en 2002 — et les communautés économiques régionales ont renforcé les politiques dissuadant les changements inconstitutionnels, ce qui a aidé à diminuer les coups d’Etat. Mais après que les pressions internationales et régionales en faveur de la démocratie se sont relâchées, deux décennies plus tard, plusieurs dirigeants africains se sont sentis libres d’ignorer les aspirations démocratiques attendues d’eux et ont progressivement perdu la confiance de leurs populations pour les raisons suivantes : mauvaise gouvernance, corruption, inertie socioéconomique, pauvreté, chômage, pour n’en citer que quelques-unes. En outre, leur dérive autoritaire, matérialisée par des élections truquées, des mandats présidentiels prolongés, une manipulation de la Constitution et/ou la transformation de la présidence en monarchie, a encouragé l’armée à prendre le relais avec la prétention de redresser la situation. Malgré leur succès initial, bon nombre de putschistes échouent à long terme parce qu’ils ne sont pas équipés pour gouverner et agissent dans des pays dont font défaut les institutions solides qui tiendraient les promesses qu’ils pourraient faire.

L’Histoire a montré qu’une fois que le coup d’Etat a lieu dans un pays, il est généralement plus facile pour les militaires de récidiver. A chaque nouveau coup d’Etat, le phénomène s’enracine davantage dans la culture politique, à tel point que de nouvelles interventions militaires sont exécutées de plus en plus efficacement. Les putschistes deviennent ainsi plus habiles à conserver le pouvoir tout en échappant aux pressions extérieures. L’expérience répétée des coups d’Etat apporte une certaine normalité au phénomène, à la fois au niveau national et au niveau régional. Une fois le régime en place renversé, l’armée devient le seul arbitre de la situation. Dans ce contexte, le rôle joué par les putschistes semble presque positif, éliminant les dirigeants impopulaires et préparant le terrain pour que de nouveaux prennent leur place. Dans le même ordre d’idées, le phénomène du coup d’Etat semble appelé à resurgir dès qu’une nouvelle crise survient. Même si les nouveaux dirigeants ne font pas mieux que les gouvernements qu’ils ont renversés.

Si les Etats du Sahel sont aujourd’hui les principales victimes des coups d’Etat, d’autres qui subissent de violents conflits internes depuis plusieurs années pourraient subir le même sort si leurs maux, dont la pauvreté et le sous-développement, ne sont pas traités de manière adéquate.

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