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Edito : L'aide militaire, les pro et les anti-Morsi

Al-Ahram Hebdo, Mardi, 15 octobre 2013

La décision de Washington de suspendre quelque 260 millions de dollars de son aide militaire à l’Egypte provoque des réactions très controversées. Cette décision intervient après la visite au Caire de la chef de la diplo­matie européenne, Catherine Ashton, qui a tenté, sans succès, de mener une médiation entre les Frères musulmans et le pouvoir intérimaire. Elle fait suite à la décision du ministère de la Solidarité sociale d’interdire la confrérie des Frères musulmans en tant qu’association non lucrative et de mettre sous séquestre tous ses biens.

La décision américaine a surtout un carac­tère symbolique et vise seulement à accroître la pression sur le gouvernement égyptien, afin de l’inciter à s’engager dans le processus démocratique. Les lois américaines interdi­sent, en effet, l’octroi d’aides militaires à des pays dont les régimes démocratiquement élus ont été renversés. Mais les intérêts stra­tégiques entre Le Caire et Washington sont d’une telle ampleur qu’il est très peu pro­bable que cette suspension partielle de l’aide ait une quelconque influence sur les relations entre les deux pays. L’aide pourrait, en effet, être restituée après les prochaines élections parlementaires et présidentielles en Egypte.

C’est surtout sur le plan interne que cette décision aura le plus d’impact. Elle va exacer­ber les tensions politiques entre les mouve­ments pro et anti-Morsi. Cette suspension d’une partie de l’aide militaire pourrait être interprétée de manière erronée comme un message positif adressé aux partisans de l’ex-président par l’Administration américaine, qui avait critiqué le coup de force de l’armée le 3 juillet dernier contre le président isla­miste. Dans ce contexte, on peut s’attendre à une forte mobilisation du clan pro-Morsi, surtout à l’approche du procès de l’ex-prési­dent et de ses proches alliés. Les autorités judiciaires égyptiennes viennent, en effet, d’annoncer la date de ce procès. Celui-ci aura lieu le 4 novembre prochain. Morsi est accusé d’incitation à la violence contre les manifes­tants d’Ittihadiya en décembre 2012.

Si la décision américaine est perçue dans le camp Morsi comme un « signe positif », elle est au contraire ressentie dans le camp opposé comme un « affront » et un « prolon­gement du soutien américain à la confrérie ». Ainsi, plusieurs groupes d’activistes, dont le mouvement Tamarrod et celui du 6 Avril, ont appelé les autorités égyptiennes à renoncer à l’aide américaine « humiliante » et à chercher d’autres alternatives. « Pourquoi les Américains n’ont-ils pas coupé l’aide sous Morsi ? C’est bien la preuve qu’ils soutiennent la confrérie », s’in­terrogeait un membre de Tamarrod. Mêmes réactions dans les médias qui appellent à ce que l’aide américaine « aille au diable ».

Washington est tiraillé entre son ralliement à la démocratie et ses intérêts stratégiques.

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