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L’enseignement en crise

Vendredi, 28 juillet 2023

Malgré les immenses ressources naturelles enfouies dans leurs vastes terres, les sociétés arabes souffrent presque toutes de la même maladie handicapante : le retard culturel ou, si l’on emprunte l’expression critique du philosophe égyptien Mourad Wahba, « le virus du retard ».

Ce retard civilisationnel, si l’on peut le dénommer ainsi, se manifeste concrètement sous plusieurs formes, dont la plus importante est assurément leur dépendance totale des productions intellectuelle, scientifique et technologique provenant d’autres sociétés productives et de loin plus avancées qu’elles. Certes, de nombreux penseurs arabes se sont sérieusement penchés sur ce handicap et y ont même consacré beaucoup d’études, mais l’obstacle épistémologique qui, depuis plus de 10 siècles, enchaîne la raison arabe et lui coupe les ailes demeure toujours insurmontable. Il n’est nul doute que le progrès de toute nation est corrélatif du champ de liberté qu’elle accorde à l’esprit critique, la seule autorité permettant à l’homme de bâtir une civilisation. Or, l’esprit critique dans le monde arabe se trouve extrêmement paralysé par des tas d’interdits culturels le privant d’exercer ses fonctions naturelles et d’améliorer sa vie. Que l’on se rappelle la réponse du philosophe allemand Emmanuel Kant à la question que lui-même pose comme titre de son article « Qu’est-ce que les lumières ? » : « Les lumières sont, dit-il, ce qui fait sortir l’homme de la minorité qu’il doit s’imputer à lui-même. La minorité consiste dans l’incapacité où il est de se servir de son intelligence sans être dirigé par autrui ».

Or, dans le monde arabe, comment pourraiton libérer l’esprit critique du joug des interdits culturels que lui imposaient au fil des siècles passés les autorités théocratiques ? L’Europe passa par la même crise, mais elle n’eut jamais pu s’en sortir que lorsqu’elle s’était servie de son esprit critique et avait remis en cause les connaissances que lui avaient dictées comme vérités absolues les autorités religieuses et politiques. C’est grâce au siècle des lumières que la raison européenne a pu progressivement s’affranchir de la tutelle des autorités théocratiques. Pourquoi ? Parce que c’est le siècle qui vit les écrivains philosophes lutter farouchement contre l’autorité religieuse et politique, contre ceux qui cherchaient par tous les moyens à limiter les connaissances de l’homme et à lui interdire l’exercice de son esprit critique. Dans les sociétés arabes, l’esprit critique n’a malheureusement pas bonne presse. Force est de constater que les programmes scolaires et les méthodes de l’éducation ne forment pas les jeunes générations à l’exercice de leur esprit critique.

En fait, il est inconcevable de vouloir réformer l’éducation sans transformer son système substantiellement fondé sur la mémorisation des connaissances en un nouveau système reposant entièrement sur l’innovation ou la créativité. Que l’on s’interroge un moment sur les virtualités de notre système éducatif actuel. Est-il vraiment créatif ? Autrement dit, ses méthodes éducatives et ses programmes scolaires apprennent-ils aux étudiants d’utiliser leur esprit critique pour remettre en question les connaissances qu’ils avaient acquises afin, par suite, de les modifier ou les développer pour en produire d’autres plus efficaces, plus pertinentes ? Admettons que toute innovation revient à modifier les rapports entre les choses pour en construire de nouvelles conceptions permettant en pratique de relever des difficultés ou de résoudre des contradictions, il serait important de savoir où en est notre système éducatif de l’innovation. Notons que lorsqu’un élève parvient à décrocher la plus haute note scolaire, certes il sera pris par les experts pour un étudiant génial, très intelligent. Or, la norme selon laquelle nos institutions évaluent l’intelligence de l’étudiant se définit effectivement en fonction de sa capacité à retenir, ancrer dans son cerveau, le plus grand nombre possible d’informations qu’il a reçues durant toute l’année scolaire et non pas sa capacité à les remettre en cause.

Que ces experts nous répondent : comment leurs idées de la bonne qualité éducative ontelles permis aux diplômés de concevoir des solutions aux problèmes chroniques de leur société, tels le chômage, la crise économique, l’exploitation énergétique, etc. ?

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