A son actif, l’organisation panafricaine a accompli et fait des progrès dans plusieurs dossiers. L’OUA a d’abord réussi dans ses efforts en faveur de la décolonisation et contre l’apartheid en Afrique du Sud et le régime des colons en Rhodésie du Sud (Zimbabwe). Au fil des années, notamment sous l’UA, l’Afrique est parvenue à amplifier sa voix sur la scène internationale, les 55 Etats membres ont pu s’engager collectivement sur de nombreuses questions mondiales, donnant à l’Afrique un plus grand poids international. L’UA a ainsi aidé ses membres à devenir plus actifs et plus affirmés dans le processus décisionnel mondial. Plus récemment, l’UA a reçu des éloges pour son rôle dans la coordination de la réponse à la pandémie et le lobbying en faveur de l’accès aux vaccins. Elle y a été aidée par son corps diplomatique embryonnaire, avec des missions permanentes près de l’Union européenne, de la Chine, principal partenaire économique de l’Afrique, de la Ligue arabe, de l’Onu, ainsi que du FMI et de la Banque mondiale.
L’Afrique a avancé dans son intégration économique avec la création de Communautés Economiques Régionales (CER). Il existe aujourd’hui 8 CER reconnues par l’UA, les plus importantes étant la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE). Ces trois constituent chacune une zone de libre-échange. Elles sont considérées, avec les autres CER, comme des tremplins vers un marché commun continental, qui a été lancé en janvier 2021 avec la création de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECA). Cet objectif ambitieux vise à créer un marché unique pour les biens et services, stimuler le commerce intra-africain et faciliter l’attraction d’investissements. Mais plusieurs obstacles se dressent sur la voie de la réalisation de ces objectifs et il faudra au moins une décennie pour y parvenir.
L’UA a également réussi à approfondir sa coopération avec l’Onu en matière de paix et de sécurité au cours des deux dernières décennies. Avant la création de l’UA et dans les premières années de son existence, l’Onu était le principal acteur de la sécurité en Afrique et le principal fournisseur de forces de maintien de la paix. C’était en grande partie parce que l’OUA n’avait pas les moyens juridiques de s’impliquer dans des conflits africains. L’UA a cependant adopté une approche différente lui permettant d’intervenir dans un Etat membre en cas de crimes de guerre, de génocide et de crimes contre l’humanité. L’UA a, depuis, développé d’importantes opérations de maintien de la paix, en collaboration avec les forces de l’Onu, comme au Mali et en République démocratique du Congo, et seule, comme au Burundi, au Soudan et en Somalie.
L’architecture de l’UA pour le maintien et le rétablissement de la paix est parmi les plus avancées du monde. Plusieurs missions militaires ad hoc dépêchées par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, créé en 2004, aident les gouvernements à lutter contre le terrorisme du Sahel, au nord du Mozambique. Toutefois, les moyens font cruellement défaut au dispositif de maintien de la paix, traduisant en partie un manque de volonté politique de plusieurs Etats membres. Le faible budget de la paix et de la sécurité, de 279 millions de dollars, est largement financé par les donateurs étrangers.
Défis à relever
Sur un autre plan, l’UA était incapable d’empêcher les coups d’Etat en série sur le continent. Il y a eu plus de 200 putschs depuis les indépendances dans les années 1960, dont cinq en 2021 et 2022. En 2016, l’UA a lancé une campagne pour « faire taire les armes d’ici 2020 ». Malheureusement, il s’est avéré impuissant à empêcher les coups d’Etat et les mouvements d’insurrection armés de se poursuivre, de sorte que le slogan a été rebaptisé « Faire taire les armes d’ici 2030 ». L’une des raisons de cet échec est que l’organisation panafricaine n’a pas mandat — pour des considérations de souveraineté nationale — à intervenir militairement pour réprimer des putschistes. Elle se limite à des pressions diplomatiques à leur encontre, telles que la suspension de leur adhésion à l’organisation.
L’UA manque également des moyens d’assurer son indépendance financière : en 2021, 65 % du budget de 650 millions de dollars de l’UA était financé par des contributeurs étrangers. Moins de 40 % des membres paient leurs cotisations annuelles et l’UA n’arrive pas à obliger les autres à régler leurs dus, car les sanctions actuelles de suspension, qui n’entrent en vigueur que lorsqu’un Etat accuse un retard de paiement de deux ans, ne sont pas dissuasives. Pour faire face à ce problème qui entrave ses activités, l’UA a introduit en 2016 une taxe de 0,2 % sur tous les biens importés par le continent. Mais seuls 17 pays l’ont mise en oeuvre.
Contrairement à la vision formulée dans son Acte constitutif, les organes législatif, technique et judiciaire de l’UA restent faibles. Le parlement panafricain et le conseil économique, social et culturel, conçus pour donner à la société civile une voix au sein des institutions de l’UA, restent des organes consultatifs sans pouvoir. De son côté, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples reste paralysée. Seuls 32 pays ont ratifié son protocole et parmi ceux-ci, seulement 8 acceptent sa compétence pour entendre les plaintes des citoyens. Cet état de fait traduit l’adoption par une majorité d’Etats membres d’une vision minimaliste de la réforme de l’UA axée sur une restructuration sélective plutôt que sur un renouveau global.
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