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La Syrie sans armes chimiques

Hassan Abou-Taleb , Mardi, 24 septembre 2013

La Syrie

Un proverbe chinois attribué à un dirigeant militaire dit : « Réaliser votre objectif sans guerre est 100 fois préférable à sa réalisation par la guerre ». Les Américains doivent certainement penser avoir réalisé une grande victoire morale et diplomatique après être parvenus à un accord avec la Russie stipulant franchement le démantèlement de l’arsenal chimique du régime de Bachar Al-Assad. Et ce, sous supervision onusienne et un contrôle du Conseil de sécurité selon un calendrier s’étendant sur 9 mois et selon, enfin, les clauses du chapitre 7 qui permet l’utilisation de la force militaire si le gouverne­ment d’Al-Assad ne coopère pas entièrement avec l’Onu.

La victoire américaine renferme 3 dimensions. Premièrement, Bachar Al-Assad perd son arsenal chimique sans que les Etats-Unis aient eu à tirer une seule balle. Deuxièmement, les menaces amé­ricaines d’attaquer la Syrie et les forces d’Al-Assad n’étaient pas de simples menaces : elles ont abouti à des résultats palpables. Troisièmement, si la Syrie ne res­pecte pas ces accords, les Etats-Unis obtiendront, avec moins d’op­position internationale qu'au­jourd’hui, une décision onusienne leur permettant de prendre diffé­rentes mesures — y compris mili­taires — contre la Syrie, conformé­ment au chapitre 7 de la Charte de l’Onu.

Ces 3 dimensions de la victoire américaine sont aussi un cadeau pour Israël et sa sécurité. Elles représentent également un test pour le pouvoir russe, notamment pour le président Poutine, qui a lancé cette idée pour empêcher toutes attaques militaires contre Al-Assad et son régime. Et le voilà aujourd’hui en charge de convaincre Al-Assad de coopérer pleinement avec les experts en armes chimiques qui seront envoyés prochainement en Syrie. Il est vrai que Poutine peut se vanter d’avoir empêché une violente frappe militaire contre Al-Assad et d’avoir évité une plus large des­truction de la Syrie. Mais cet accord ne comporte absolument rien sur le fait que les grandes puissances concernées soient enfin d’accord pour mettre un terme au drame du peuple syrien.

Cet accord ne remé­die pas au problème syrien. Il remédie à l’un des plus importants soucis américains : la sécurité d’Israël et l’éradication chez les voisins d’Israël des éven­tuels outils de répression qui constituent une menace pour les Israéliens. En d’autres termes, les Etats-Unis agissent selon leurs propres priorités et se moquent des souffrances des peuples pour leur intérêt, ni plus ni moins.

Les forces de l’opposition syrienne politiques et militaires doivent comprendre cette réalité, elles qui n’ont nullement été consultées sur cet accord et qui pariaient sur une forte frappe mili­taire américaine contre les forces d’Al-Assad. Une frappe qui aurait pu faire rapidement changer l’équi­libre des forces et accélérer la chute militaire d’Al-Assad.

Même la conférence de Genève-2, chargée de parvenir à un règlement politique et de faciliter les négociations entre le gouverne­ment d’Al-Assad et l’opposition syrienne sous un parrainage inter­national, n’a pas été mentionnée dans l’accord américano-russe. Il n’existe aucun méca­nisme reliant la des­truction de l’arsenal chimique syrien à la tenue de la conférence de Genève-2. Il est cependant fort pro­bable que la résolution du Conseil de sécurité, qui transformera l’ac­cord américano-russe en un accord international et en un engagement onusien, établisse un lien entre les deux afin d’assimiler les tendances de refus et de colère de l’opposition syrienne.

L’exécution de l’accord américa­no-russe ne sera pas facile à mettre en place. La répartition des armes chimiques sur plus de 45 emplace­ments au nord, au sud et à l’est signifie que l’opposition syrienne, qui contrôle une partie des routes principales, devra faire partie du processus d’exécution afin de faci­liter la mission des observateurs et des experts internationaux qui doi­vent arriver en Syrie en novembre pour y rester près d’un an.

S’il est facile pour les forces occidentales de faire pression sur l’Armée syrienne libre, qu’en est-il des régions dominées par les grou­puscules d’Al-Nosra ou d’Al-Qaëda ? Il est fort probable que les inspecteurs internationaux soient obligés de passer par ces régions et que les armes chimiques doivent, à leur tour, traverser ces régions pour être acheminées aux emplacements consacrés à leur destruction. Il n’existe pas de réponse satisfai­sante à cette question. Mais, il est fort probable que les Etats-Unis exploitent la situation pour exercer un énorme chantage sur le régime d’Al-Assad afin d’élargir le cercle des sanctions selon le chapitre 7.

Cela nous rappelle le scénario de l’Iraq pendant 10 ans et qui s’est terminé en 2003 par l’invasion et la destruction de ce pays, qui a permis à l’Iran d’imposer son hégémonie sur une grande partie des territoires iraqiens et qui a écarté l’Iraq des enjeux régionaux pour de nom­breuses années.

Il s’agit d’un processus de des­truction de la Syrie par le biais d’une implication internationale. Ce processus peut s’étendre sur de nombreuses années, mais il a déjà commencé sous un parrainage américano-russe. Il renferma de nombreuses manoeuvres politiques et diplomatiques accompagnées de certaines opérations militaires pour soutirer davantage de concessions syriennes. Le régime syrien et l’op­position sont tous deux respon­sables de la destruction actuelle et future de la Syrie. Personne ne peut nier cette responsabilité.

Le régime syrien vit toujours dans un coma politique. Il est convaincu que le seul fait qu’Al-Assad reste à la tête du pouvoir est une victoire en soi. Quant à l’oppo­sition syrienne, ce qui se passe prouve qu’elle n’est qu’un outil entre les mains de ceux qu’elle considère comme ses amis. Si elle cherche réellement l’intérêt de son pays, elle n’a d’autre solution que d’entreprendre une action indépen­dante qui préserve le peuple, la terre et les ressources de la Syrie.

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