Le problème du monde arabe avec l’Occident, et avec le monde entier d’ailleurs, est ce fossé qui ne cesse de grandir entre, d’une part, la science et la pensée du monde occidental et, d’autre part, les pratiques oppressives politiques et économiques qu’il essaie d’imposer au monde. Ces valeurs et ces pratiques sont l’expression d’ambitions impérialistes auxquelles le monde occidental est resté attaché depuis la fin de la Guerre froide et la victoire présumée des Etats-Unis. En effet, les Etats-Unis ont voulu que leur victoire dans cette guerre soit celle du système capitaliste avec son libéralisme brutal et ses valeurs racistes et hautaines. Ceci a accru le rejet de la civilisation occidentale par les autres nations du monde qui reviennent à leurs propres civilisations, comme le font aujourd’hui la Russie et la Chine.
Le monde vit aujourd’hui la troisième vague démocratique, caractérisée par le passage du modèle de la société industrielle à celui de la société universelle de l’information et des connaissances dans laquelle l’Homme, avec ses capacités créatives et innovantes, devient la principale source de richesse. Un modèle qui implique que l’Homme jouisse d’une liberté totale de pensée et d’accès à l’information. Cependant, le monde est également confronté aux répercussions du modèle impérialiste américain qui veut dominer la planète politiquement et économiquement et aussi lui imposer le modèle américain comme cadre de ce qui est appelé « l’idéologie de la mondialisation », c’est-à-dire l’idéologie du projet impérialiste américain. Cette contradiction entre l’aspiration mondiale à une société de la connaissance fondée sur la démocratie de l’information (liberté de circulation des informations) et la démocratie de la connaissance (liberté de transmission du savoir), ainsi que le modèle démocratique américain basé sur le libéralisme et le système de valeurs américain, déforme l’appel mondial à la société de la connaissance en tant que modèle globalement espéré. Et ce, pour de nombreuses raisons notamment liées à la spécificité culturelle de l’empire américain et aux aspects négatifs du modèle démocratique et libéral américain, sans parler de ce qui peut être considéré comme une « décadence morale et éthique » américaine du point de vue culturel et au niveau des valeurs. Il y a aussi le manque de crédibilité de l’appel américain à la réforme politique et démocratique dans notre monde arabe en particulier. L’illusion du modèle démocratique américain s’est clairement manifestée en Iraq quand l’instauration de la démocratie a été la justification de l’invasion et de l’occupation de ce pays et quand le prétexte que l’Iraq possède des armes de destruction massive s’est révélé erroné. Cependant, cette illusion s’est révélée encore plus évidente en Afghanistan lorsque les Américains se sont empressés de quitter ce pays l’année dernière, et lorsque le président américain, Joe Biden, a justifié le départ des Américains de ce pays qu’ils ont détruit en disant : « Il n’est pas de notre responsabilité de construire les nations ». Ce qui est tout à fait vrai.
Le fossé est énorme entre les promesses et les réalités, entre le modèle tel qu’il est présenté et les résultats réels. Pire encore, ce modèle américain est noyé jusqu’aux oreilles dans un odieux racisme issu du rêve impérialiste de l’Occident et de la supériorité qu’il veut imposer à l’égard des autres nations. L’analyse du discours occidental après le 11 septembre 2001 montre que ce discours, tenu à Washington, Londres et Paris par Bush, Chirac et Blair, reproduit la rhétorique traditionnelle de l’Occident sur laquelle est basé l’ensemble du projet occidental de modernité. Il s’agit de faire la distinction entre la barbarie et la civilité. Pour les Occidentaux, la « barbarie » désigne tous les peuples du monde alors que la « civilité » se limite à la civilisation occidentale. Une pensée raciste, la même que celle qui a inventé la théorie de la responsabilité de l’homme blanc de civiliser les peuples barbares, ainsi que d’autres perceptions occidentales biaisées sur les peuples et des cultures du monde non occidental. Ce sont ces théories et idées qui ont été utilisées pour légitimer le colonialisme et qui sont devenues la principale composante de la théorie raciste qui a prévalu au XIXe siècle et au début du XXe siècle.
Malheureusement, cette théorie raciste revient aujourd’hui avec force aux Etats- Unis et dans de nombreux pays européens sous forme de partis et de mouvements politiques et sociaux ou de groupes hostiles à quiconque n’est pas d’origine américaine ou européenne vivant dans ces pays comme les Orientaux et les Noirs, surtout les musulmans. Les pratiques de ces groupes racistes de droite qui s’activent contre les migrants d’origine arabe et turque s’intensifient. Elles sont allées jusqu’à tenter de contrôler le mode de vie des émigrants et des citoyens d’origine arabe ou musulmane via des politiques de marginalisation, d’exclusion et d’oppression sociale. De plus, on a vu apparaître des pratiques qui consistent à déformer l’image de l’islam, des musulmans et de leur prophète. Ces pratiques sont contraires aux principes de coexistence basés sur le respect des autres civilisations et cultures.
Ce fossé grandissant entre les sciences et les connaissances présentées au monde par l’Occident et le modèle culturel et social occidental avec tous ses aspects négatifs rend plus difficile le défi se posant aux Arabes, qui doivent faire la différence entre un produit scientifique et intellectuel et un produit culturel et moral. De même, il est indispensable de reproduire notre modèle culturel capable de traiter efficacement les autres civilisations et cultures tout en protégeant nos particularités culturelles, éthiques et historiques.
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