Le président américain, Joe Biden, est venu la semaine dernière en Arabie saoudite dans l’espoir de parvenir à un accord sur l’augmentation de la production de pétrole pour aider à faire baisser les prix de l’essence qui ont fait grimper l’inflation aux Etats-Unis vers des sommets inégalés en 40 ans, menaçant sa cote de popularité et les chances des Démocrates aux élections à mi-mandat du Congrès en novembre prochain. Il est reparti avec aucune garantie formelle de la part de l’Arabie saoudite ou des Emirats Arabes Unis (EAU), qui disposent de capacités de production supplémentaires, pour stimuler l’approvisionnement mondial en pétrole. A la demande pressante de Washington, les dirigeants saoudiens ont répondu qu’ils n’augmenteraient pas la production pétrolière du Royaume, premier exportateur mondial de brut, sans l’accord de l’Opep+, un groupement de 23 pays réunissant les 13 membres de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) et 10 producteurs hors-Opep, codirigé par l’Arabie saoudite et la Russie. En effet, le bilan de la visite de Biden ne sera pas connu avant la prochaine réunion de l’Opep+, le 3 août.
Cette prise de position saoudienne, mais aussi émiratie, ne signifie pas nécessairement que Riyad et Abu-Dhabi ne voudront pas d’une augmentation de leur production, mais que cette hausse sera probablement en deçà des attentes occidentales. Bien que les données officielles indiquent que les deux pays disposent de près de 3 millions de barils par jour (Mb/j) de capacité de production disponible, le déploiement de celle-ci les obligerait à produire à des niveaux rarement atteints auparavant, voire jamais. Le prince héritier saoudien, Mohamad bin Salman, a laissé entendre, lors du sommet régional auquel participait Biden le 16 juillet, que son pays pourrait augmenter sa production de pétrole pour aider à accroître les approvisionnements mondiaux. Mais il a aussitôt douché les espoirs américains d’une importante augmentation de production susceptible de faire baisser rapidement les prix, en soulignant que Riyad est presque à la limite de sa production qui, selon lui, atteindrait un maximum de 13 Mb/j d’ici 2027. Il a donc exclu que son pays puisse augmenter considérablement sa production à court terme. La même position a été déjà soulignée par le ministre saoudien de l’Energie, Abdel-Aziz bin Salman, qui avait déclaré en mai dernier que la production saoudienne serait « très probablement » portée à une fourchette de 13,3 à 13,4 Mb/j d’ici « fin 2026 ou début 2027 ».
L’Arabie saoudite a produit en juin 10,65 Mb/j. Une source saoudienne haut placée a déclaré que la Société nationale de production pétrolière (Aramco) pourrait produire 1 Mb/j supplémentaire, ce qui signifie que la production ne pourra pas dépasser 11,65 Mb/j. Pour déployer davantage de brut sur le marché mondial, Aramco devra puiser dans ses stocks, qui sont détenus à la fois dans le Royaume et dans les centres de consommation. Aramco ne divulgue pas le niveau de ses stocks, mais les spécialistes de l’industrie pétrolière estiment que l’entreprise pourrait libérer de 300 000 à 500 000 barils par jour supplémentaires entre 60 et 90 jours. Rien n’indique toutefois que l’Arabie saoudite serait disposée à le faire, d’autant plus qu’elle n’a pas obtenu les garanties sécuritaires et politiques qu’il espérait pendant la visite de Biden.
L’Arabie saoudite espérait avoir l’assurance que les Etats-Unis lui apporteraient une protection militaire efficace face à d’éventuelles attaques des alliés régionaux de l’Iran. Riyad n’a pu ainsi obtenir de Biden des engagements fermes ou des définitions de lignes rouges concernant la sécurité du Royaume. Il est vrai que le locataire de la Maison Blanche a voulu, par sa visite en Arabie saoudite, repositionner son pays au Moyen-Orient afin de contrer l’influence grandissante de ses concurrents, la Russie et la Chine. « Nous ne nous éloignerons pas et ne laisserons pas un vide à combler par la Chine, la Russie ou l’Iran », a-t-il martelé. Mais la réalité est que cette promesse sonne creux auprès des dirigeants saoudiens et émiratis. Ceux-là même, qui ont refusé de se ranger du côté de l’Occident contre la Russie au sujet du conflit en Ukraine, cherchent un engagement concret des Etats-Unis sur des liens stratégiques qui ont été distendus en raison du désengagement perçu de Washington de la région.
Ainsi, malgré les promesses faites par Biden pendant sa visite, l’Arabie saoudite et les EAU sont conscients que ni l’Administration ni le Congrès américains ne sont favorables à lier les Etats-Unis à des obligations militaires supplémentaires envers la région. En outre, les deux pays ont été particulièrement frustrés par les conditions américaines imposées aux ventes d’armes et par leur exclusion des négociations indirectes américano-iraniennes sur le rétablissement de l’accord nucléaire de 2015 qu’ils considèrent comme défectueux pour ne pas avoir répondu à leurs préoccupations concernant le programme de missiles balistiques de l’Iran et sa politique déstabilisatrice de la région, à travers ses alliés aussi bien au Yémen qu’en Iraq et au Liban.
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