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30 Juin et le dialogue national

Mercredi, 06 juillet 2022

Neuf ans se sont écoulés depuis la Révolution du 30 Juin 2013 qui a marqué la chute du régime des Frères musulmans. Depuis lors, la scène politico-économique a témoigné d’importantes évolutions qui ont abouti au lancement, prévu début juillet, d’un dialogue national dont le but affiché est de s’entendre sur un ensemble de réformes politiques et économiques. L’appel au dialogue a été lancé le 26 avril, lors d’un iftar (rupture de jeûne) du Ramadan, par le président Abdel-Fattah Al-Sissi qui a précisé que son objectif est de faire face aux défis actuels auxquels le pays est confronté. Le moment choisi pour inaugurer le dialogue n’est sans doute pas fortuit et veut marquer par le sceau de l’ouverture politique la célébration du 9e anniversaire de la Révolution du 30 Juin. La majorité écrasante des partis politiques, syndicats et figures publiques ont salué l’initiative et espèrent de réels résultats. Ils ont cependant, en fonction de leur position sur l’échiquier politique, des visions divergentes sur les résultats souhaités du dialogue. Les forces politiques loyalistes au gouvernement, regroupant 40 partis, notamment celui qui détient la majorité au parlement, Mostaqbal Watan (avenir de la patrie), estiment que le dialogue devrait mobiliser un soutien aux politiques gouvernementales conçues pour faire face à la crise économique. Elles ont à ce titre exhorté toutes les formations politiques à surmonter leurs divergences et à placer les intérêts nationaux au-dessus des considérations partisanes afin d’aider le pays à faire face aux graves difficultés économiques provoquées par la guerre entre la Russie et l’Ukraine, notamment la flambée des prix des produits énergétiques et alimentaires, y compris le blé, dont l’Egypte est la première importatrice dans le monde. Pour prouver le sérieux du pouvoir dans son appel au dialogue, les partis pro-gouvernementaux mettent en avant la libération de dizaines d’activistes au cours des dernières semaines.  Les partis d’opposition insistent en revanche sur la nécessité que le dialogue aboutisse à des réformes politiques. Ces formations sont principalement réunies dans le Mouvement démocratique civil, une alliance de 7 partis libéraux créée en 2017 et comprenant le parti Al- Karama (dignité), l’Alliance populaire socialiste, le Parti conservateur, le Parti de la Constitution, le Parti de la conciliation nationale, le Parti socialiste égyptien et le Parti du pain et de la liberté. Ceux-ci ont exprimé plusieurs revendications et demandent qu’elles figurent en tête de l’ordre du jour du dialogue, dont les plus importantes sont la mise en place d’une série de réformes politiques, économiques, législatives et institutionnelles aboutissant à une transformation démocratique, à une justice sociale et à un meilleur respect des droits de l’homme et des libertés publiques, à un approfondissement de la notion de citoyenneté et à une lutte plus efficace contre la discrimination. Ils ont également appelé à une amnistie pour les inculpés dans des procès politiques, tels que ceux portant sur la publication de fausses informations et l’utilisation abusive des médias sociaux, ainsi que pour ceux qui ont été condamnés à des peines de prison et qui sont maintenant en probation par la police. Ils ont enfin demandé l’interdiction et la criminalisation de l’arrestation de membres des familles des personnes recherchées, ainsi que leur libération immédiate, l’amnistie aux détenus condamnés par un tribunal militaire pour des accusations politiques, l’ouverture d’enquêtes sur les cas de torture et un processus de révision des décisions judiciaires rendues depuis le 24 juillet 2013 dans les affaires politiques.

L’insistance de l’opposition sur cet agenda politique tient en partie à ses craintes que le dialogue ne soit une tactique politique du gouvernement pour améliorer son image et un moyen visant à obtenir le soutien aux nouvelles réformes économiques préconisées par le Fonds Monétaire International (FMI). L’Egypte négocie actuellement avec le FMI un nouvel accord de prêt pour faire face aux conséquences nocives du conflit ukrainien. L’opposition redoute que l’objectif du pouvoir soit de faire baisser la tension sur les fronts économique et politique avant un retour au statu quo. Et de citer à l’appui les précédentes expériences de dialogue national tenues en périodes de crise sous les présidents Nasser, Sadate et Moubarak, et qui ont abouti à peu ou pas de résultats. Malgré ces craintes, les partis d’opposition estiment que les avantages de leur participation au dialogue l’emportent de loin sur ceux du boycott. Car même s’ils considèrent que les chances de changement concret sont minces, ils ne veulent pas manquer l’occasion de faire pression sur le gouvernement afin d’obtenir des avancées sur la réforme de la vie politique. Tout dépendra de la volonté du pouvoir d’appliquer l’ensemble ou une partie des recommandations du dialogue qui seront recueillies et formulées en un seul document par un comité composé de représentants de centres de recherche et de groupes de réflexion.

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