Les Etats-unis cherchent à réparer leurs relations endommagées avec l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis (EAU). Plusieurs indices le prouvent, à commencer par la tournée moyen-orientale du président Joe Biden, projetée en juin, où il devrait rencontrer pour la première fois le prince héritier saoudien, Mohamad bin Salman (MBS). Le 17 mai, l’Administration américaine a envoyé une délégation de très haut niveau à Abu-Dhabi pour présenter ses condoléances pour le décès du président des EAU, Khalifa bin Zayed. Dirigée par la vice-présidente, Kamala Harris, la délégation comprenait les secrétaires d’Etat et à la Défense, Antony Blinken et Lloyd Austin, le directeur du service de renseignement (CIA), William Burns, et l’envoyé présidentiel pour le climat, John Kerry. La composition de la délégation reflétait le vif désir de Washington de montrer son engagement envers les EAU. Harris a souligné à l’occasion l’intention de Washington d’approfondir ses liens avec Abu- Dhabi dans des domaines allant de la sécurité et du climat à l’espace, à l’énergie et au commerce.
A la mi-avril, le directeur de la CIA s’est rendu à Djeddah pour rencontrer le prince héritier saoudien. En mars, le secrétaire d’Etat a rencontré le prince héritier d’alors et actuel président des EAU, Mohammed bin Zayed. Une réunion qui aurait inclus des excuses pour avoir négligé les préoccupations sécuritaires d’un partenaire-clé des Etats-Unis dans le Golfe. Brett McGurk, conseiller de la politique de la Maison-Blanche au Moyen- Orient, et Amos Hochstein, Conseiller du Département d’Etat pour la sécurité énergétique mondiale, ont travaillé en coulisses pour réparer les relations avec Riyad. Les deux hommes se sont rendus quatre fois en Arabie saoudite depuis décembre, la plus récente étant en février où ils ont rencontré MBS pour jeter les bases d’une rencontre avec Biden.
L’offensive de charme américaine en direction de Riyad et Abu-Dhabi est clairement liée à la guerre Russie-Ukraine, qui a mis en évidence l’importance des producteurs de pétrole du Golfe au moment où l’Europe cherche à réduire sa dépendance énergétique à l’égard de la Russie. Les monarchies arabes du Golfe ont jusqu’à présent refusé de prendre parti dans le conflit ukrainien. Les poids lourds de l’OPEP, l’Arabie saoudite et les EAU ont également résisté aux appels occidentaux à la hausse de leur production pour aider à dompter les prix du brut qui ont aggravé l’inflation dans le monde.
Washington avait déclassé la région du Golfe dans la hiérarchie de ses priorités de politique étrangère au profit de l’Asie-Pacifique, en vue de contrer la puissance montante de la Chine. Mais aujourd’hui, Biden fait marche arrière, car l’accomplissement de sa volonté d’isoler et d’affaiblir la Russie dépend en grande partie du démantèlement de l’OPEP + que Moscou utilise pour coordonner avec les autres pays producteurs de pétrole. Les monarchies du Golfe ont jusqu’ici rejeté les appels de Washington et continuent de travailler avec la Russie au sein de l’OPEP +. L’exportation du pétrole est la principale source de revenus de la Russie, et plus le prix du brut est élevé, plus la politique du Kremlin devient dynamique. L’augmentation de la production pétrolière du Golfe est aussi cruciale, non seulement pour sevrer l’Europe de sa dépendance vis-à-vis des approvisionnements énergétiques russes, mais aussi pour faire baisser le prix de l’essence aux Etats-Unis. Le chef de cabinet de la Maison Blanche, Ronald Klain, a souligné à plusieurs reprises à quel point le prix élevé de l’essence nuisait politiquement au président.
Face aux sollicitations américaines, l’Arabie saoudite et les EAU opposent une longue liste de griefs, dont le manque d’engagement sécuritaire face aux programmes nucléaire et de missiles de l’Iran et aux attaques de ses alliés yéménites, le refus de la désignation des Houthis comme organisation terroriste, les récriminations américaines contre MBS pour son rôle présumé dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi et les conditions imposées aux ventes d’armes américaines. En décembre, les EAU ont suspendu les négociations sur l’achat d’avions de combat F-35 en raison des restrictions liées à la vente.
Washington semble disposé à répondre à une partie de ces griefs, notamment ceux liés à la sécurité. En février, le secrétaire à la défense a annoncé qu’il envoyait le destroyer lance-missiles USS Cole et des avions de combat de cinquième génération pour renforcer les défenses des EAU contre les missiles et les drones houthis. Mais des patrouilles de navires de guerre ne suffiraient pas à apaiser les inquiétudes sécuritaires des alliés de Washington dans le Golfe. L’Arabie saoudite et les EAU veulent des relations plus étroites et plus clairement définies avec les Etats-Unis. Ils ont notamment besoin de garanties formelles de sécurité, y compris des assurances que l’éventuel rétablissement de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran ne nuira pas à leurs intérêts stratégiques. Sauf revirement stratégique, rien n’indique que Washington serait en mesure de répondre à ces demandes, étant donné que son offensive de charme obéit davantage à une conjoncture liée au conflit ukrainien.
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